Le superbe Museu Picasso de Barcelone, sis dans le vaste espace constitué par la réunion de cinq palais du quartier marchand historique de Barcelone, demeures médiévales revisitées au 18ème siècle, présente la Collecion Picasso.

Issue de la collection particulière de Jaume Sabartes, ami proche et secrétaire de Picasso, elle regroupe le thésaurus le plus important sur l’œuvre de jeunesse de Picasso de 1890 à 1917 à laquelle s’ajoutent des peintures et des études de la série des Ménines datant de la fin des années 50, don de l’artiste lui-même, et des céramiques données par Jacqueline Roque.

Une collection dense, qui s’est continue à s'enrichir, est considérée comme un préalable nécessaire et incontournable pour comprendre les fondements de l'oeuvre de ce génie du 20ème siècle.

La genèse d'un génie

L’accrochage, bien évidemment chronologique, permet de prendre la mesure comme l’illustrait la récente exposition "Picasso et les Maîtres" qui s’est tenue au Grand Palais à l'automne-hiver 2008-2009, du génie picassien qui n'était pas un génie ab initio qui a créé spontanément une œuvre un peu à la manière des artistes autodidactes de l’art brut par exemple.

En effet, Picasso est devenu un peintre de métier après avoir reçu une vraie et solide formation académique qui lui a permis d’ingérer et de digérer le travail de ceux qui l’ont précédé à la manière d’un cannibale comme l’indiquait Marie Laure Bernadac, une des commissaires de l’exposition précitée.

Cette collection illustre également les différentes courants artistiques qui ont influencés ses années d’apprentissage.

Après les premiers dessins, les premières toiles, le fameux "Autoportrait à la perruque", des scènes de genre à connotation religieuse ("La première communion") et des scènes naturalistes, ("Science et charité") plutôt académiques, Picasso, au cours de son séjour barcelonais, intègre la liberté de représentation de l’avant-garde moderniste catalane et se consacre au portrait ("Le mort ressuscité", "Lola").

A Paris, nouvelles découvertes picturales avec les peintres de la butte Montmartre, il a le trait et la patte à la Toulouse Lautrec ("Femme à la mantille", "El final del numero", "Margot") usant aussi bien du multicolorisme pétant que du monochromatisme qui caractérise sa période bleue. "La femme à la coiffe", "Portrait de Jaume Sabartes", "Les terrats de Barcelone") et des couleurs plus tendres de sa période rose. La découverte de l’impressionnisme donne des toiles inattendues comme "La dame à la mantille" qui tranche avec le portrait plus classique de la Senora Casals.

1917 : la révolution plastique est opérée et le cubisme picassien est en marche ("Blanquita Svarer", "Hombre sentado", "Mujer en un sillon").

Quarante ans après, et pour reprendre l'analyse de Anne Baldassari, directrice du Musée Picasso de Paris, Picasso assume le meurtre des pères, les fameux maîtres dont Velasquez, pour composer des cadavres exquis selon le procédé de la répétition. Ainsi trois salles du Museu Picasso sont consacrées aux variations sur "Les Ménines", régal pour les yeux, qui attestent de l'intense productivité de Picasso qui peint plusieurs toiles par jour sur ce même thème en modifiant à l'infini les paramètres tant de la composition allant jusqu'à la décomposition, que de la palette chromatique.

A voir également, en fin de parcours, surplombant la maginfique cour la salle des céramiques ainsi que la magnifique série des pigeons peintes à Cannes en 1957.