La Maison Européenne de la Photographie consacre une belle exposition rétrospective au photographe sicilien Ferdinando Scianna .

De nombreuses photographies, exclusivement en noir et blanc, exposées pour la première fois en France et réunies sous le titre "La Géométrie et la Passion", retracent quarante annnées de photographies

Articulées selon un parcours thématique, elles rendent compte de l'oeil de ce disciple inconditionnel de Henri Cartier-Bresson qui fut photographe reporter pour Magnum et photographe de mode, qui arpenta le monde comme sa ville natale, et dont l'oeil curieux

L'album-photo d'une passion

Toutes les photos de Ferdiando Scianna, nonobstant la diversité des thématiques, de la nature morte au portrait, et du traitement, entre le réalisme poignant des processions religieuses en Sicile et le graphisme rotchenkovien des photos newyorkaises, attestent d'une curiosité insatiable de tenter de voir.

"Regarder en espérant voir" figure au rang des préceptes qu'il a dégagés pour son métier de photographe qui, cependant, ne masque pas, au contraire démasque l'homme et un humanisme qui va jusqu'à la compassion.

Toutes ses photos sont porteuses d'empathie, d'émotions et d'une grande lumière même quand elle concerne des sujets graves.

Qu'il s'agisse des photos de mode placées sous le signe de la grâce, aux antipodes de la violence sous jacente croquée par William Klein par exemple, des clins d'oeil sur l'anachronisme du comportement humain (le tireur beyrouthin dont la crosse du fusil est orné de l'image de la Vierge, la tête déboulonnée d'une statue de Staline à Budapest tiré sur un chariot) ou de son bestiaire placé sous le signe du témoin mélancolique (le regard du petit bouledogue dans la salle d'exposition de pompes funèbres à Syracuse, les madrilènes admirant la tête du taureau trophée érigé en idole, le chien indien galeux).

Particulièrement révélateurs sont les portraits, entre autres de Saul Bellow yeux baissés, Martin Scorcese tenant une photo de lui bébé, Léonardo Sciascia devant un autel, présentés sous le titre imparable de "Exercices d'admiration" qui paraissent à la fois nostalgiques et intemporels.

Ferdinando Scianna définit la photographie en 6 préceptes dont le dernier est : "Après quarante années de métier et de réflexion, je suis arrivé à la conviction que la plus grande ambition d'une photographie est de finir dans un album de famille". Et l'album ainsi prend forme.

Sans verser ni dans le misérabilisme ni dans le voyeurisme, les plus beaux clichés sont sans doute ceux d'enfants de pays

tels celui de l'enfant malade sur le dos de sa mère dans un centre de soins en Bolivie ou l'enfant indien endormi entre les jambes de sa mère.

Simplement un regard.