En 2008, le Domaine de Chaumont-sur-Loire, notamment connu par son château et réputé comme lieu de visite des passionnés d'horticulture avec son Festival International des Jardins créé en 1992, a connu une novation structurelle et culturelle d'importance.
En effet, devenu la propriété de la Région Centre, il devient le premier Centre d'arts et de nature dont la vocation est d'associer, comme son nom l'indique, art et nature en réunissant en une seule entité juridique le patrimoine historique du Château de Chaumont-sur-Loire et son parc, le Conservatoire international des jardins et le festival international des jardins
A la vocation originelle du domaine qui consiste en sa mise en valeur du château et de ses dépendances et des collections historiques y attachées s'ajoute désormais un ensemble d’activités centrées sur la création artistique contemporaine, le centre d'arts ayant pour vocation d'être un lieu d'exposition, avec la présentation d'expositions temporaires bisannuelles, et un lieu de création, en initiant des commandes publiques auprès des artistes en symbiose avec le site.
Pour mettre en œuvre ce projet ambitieux, la direction du centre a été confiée à Chantal Colleu-Dumond qui a occupé le poste de conseiller culturel à Bucarest, à Rome et à Berlin, a dirigé le Centre culturel de l’Abbaye Royale de Fontevraud et a été dernièrement directrice de l’Institut Français de Berlin.
Grâce à une sélection judicieuse d'artistes de toute nationalité dont la présence ne se limite pas à des réalisations de circonstance mais dont le travail s'inscrit totalement dans le rapport de l'homme avec la nature ou dans l'exploration de la couleur, qui est le thème de l'édition 2009 du festival international des jardins, elle accueille un ensemble cohérent d'œuvres dont l'implication écologique tangible constitue la pointe émergée de l'iceberg qu'est une véritable réflexion métaphysique sur la condition humaine.
Le pari a donc été tenu notamment et le public peut désormais compléter sa journée de villégiature d'une balade artistique au sein d'une exposition d'art contemporain in situ tant dans le château Renaissance, qui fut occupé par Diane de Poitiers et qui devint la demeure d'agrément de la famille De Broglie, les dépendances, dont les somptueuses écuries et la Ferme du Château, que dans l'immense parc de style paysager à l'anglaise.
Pour cet été 2009, l'exposition est placée globalement sous le signe du Land art, et même s'ils ne s'y rattachent pas spécifiquement tous ont la nature pour atelier, et au post- minimalisme avec l'invitation en résidence pour une durée de trois ans de Jannis Kounellis figure majeure de l'Arte Povera.
Chaque lieu du Domaine de Chaumont-sur-Loire a été investi par un artiste, le plus souvent pour une création originale in situ qui s'inscrit totalement dans la continuité de son travail et en résonance directe avec l'environnement tant au plan architectural qu'au plan écologique.chercher synonyme pour résonance avce la nature du lieu écisystème ?.
Ainsi
dans l'asinerie, un polyptique panoramique de Jean-Louis
Elzéard, photographe et écrivain, exalte
l'élément aquatique ("Reconnaissance de la
rivière").
Victoria Klotz, plasticienne française qui explore notamment les rapports de l'animalite et de l'humanité, a installé une étonnante "Chapelle du chien céleste" qui veille sur le cimetière des chiens dans lequel elle a créé une non moins inattendue tombe imaginaire, celle de l'éléphant qui avait été offert à la princesse de Broglie alors propriétaire du château.
Dans
la galerie du fenil dont la structure lui évoque une
cathédrale, le peintre Daniel Walravens,
dont le travail s'articule essentiellement autour de la couleur
et de l'émotion qu'elle procure, produit une variation
chromatique autour de la couleur symbolique du végétal.
"De vert en vert" en explore toutes les virtualités selon trois modes opératoires dont un polyptique de monochromes dont "la ligne verte serait le chemin de croix végétal".
De la métaphore de l'arbre aux natures mortes
La présence d'arbres séculaires dans le parc du château invitent à la réflexion sur l'éphémérité de la vie de l'homme face à la permanence et l'immanence de la nature.
De ses voyages en Asie où l'arbre est associé aux puissances divines, la photographe allemande Deidi von Schaewen a rapporté des images chatoyantes, les grands panneaux "Arbres sacrés", qui sont ici plaqués sur les troncs.
Le
berlinois Rainer Gross, dont l'axe
de création est de "marquer la précarité
de la vie humaine par rapport à son environnement",
a réalisé une installation avec deux sculptures-instllation
au titre duel, "Toi(t) en perspective" et "Toi(t)
à terre".
Elles renvoient non seulement à la forme des toits du château mais également à l'essence du cycle qui régit toute forme de vie et à la précarité de la présence au monde.
Dans
le même esprit, le bavarois Nils-Udo,
pour qui la nature est au cœur du monde et de sa création
artistique, a élaboré une installation végétale
éphémère et poétique au titre univoque,
"Gulliver"s forest", un cèdre imposant
abrite un paysage vallonné miniature parsemé de
jeunes plants d'épicéas, qui incite l'homme à
se resituer modestement dans l'univers.
Au château sont également présentées des photographies d'autres créations aujourd'hui disparues, qui permettent au visiteur d'apprécier son vocabulaire esthétique.
Pour modifier son point de vue sur le monde, François Méchain, sculpteur et photographe, qui aimerait être un "inquiéteur de certitudes", propose de partir à l'assaut du ciel avec "L'arbre aux échelles".
L'arbre mort est également dans ses préoccupations et la déforestation violente opéré au 20ème siècle lui a inspiré "L'arbre aux couteaux", sculpture très dramatique opéré sur le tronc d'un arbre
La nature morte, en tant que genre pictural, constitue un autre champ d'exploration dans lequel la métaphore passe par le cycle de vie des fleurs et des légumes.
Les plasticiens Maro Avrabou et Dimitri Xenakis encadrent la nature dans tous les sens du terme avec "Pittoresque", une série de tableaux transparents dans lesquels des fleurs géantes colonisent le sous bois.
Dans
la grange aux abeilles, la photographe brésilienne Luzia
Simons présente quelques tableaux scanogrammes
monumentaux de sa série de bouquets libres intitulée
"Stockage" qui revisitent, à la lumière
des nouvelles technologies, les bouquets flamands du 17ème
siècle avec la symbolique fleur de la tulipe.
Avec "La racine des légumes", son homologue française, Jacqueline Salmon photographie le cycle de vie des légumes comme des planches botaniques.
La mémoire du lieu
Pour opérer la symbiose entre le patrimoine historique du château de Chaumont-sur-Loire, la consistance du domaine sis dans une commune classée au patrimoine mondial de l'Unesco et l'art contemporain, le Centre des arts et de nature a fait appel à Janis Kourellis, artiste de renommée internationale qui fut une des figures majeures de l'Arte Povera, dont les œuvres, toujours directement inspirées par le lieu dans lequel elles s'insèrent, interprètent le rapport entre nature et culture.
Celui-ci
a investi le château et plus précisément
des appartements non restaurés, qui n'étaient
pas ouverts au public au premier étage d'une aile du
château, les cuisines en sous sol et la tour d'Amboise
dont l'architecture et l'espace lui ont semblé propice
au regard d'une réflexion qui, s'appuyant sur la dramatisation,
en appelle au sacré, au mythe et au mystère qui
constituent ses axes de travail.
Ainsi, au pied de la tour d'Amboise auquel on accède par le haut, le rideau aux couteaux suspendus remémore la herse du pont-levis. A l'étage, la configuration en enfilade constitue un lieu approprié pour son motif de prédilection, le labyrinthe.
Des poutres brutes en peuplier scandent le dédale des pièces dans lequel retentit le cri muet du minotaure matérialisé par des cloches dépourvues de battant.
Ouvert tous les jours du 29 avril au 18 octobre 2009, le Domaine de Chaumont-sur-Loire est devenu, depuis 2008, avec ses événements culturels et les nombreuses manifestations collatérales que constituent, entre autres, les concerts dans les écuries et les nuits magiques avec les paysages lumineux et sonores de Erik Samakh et l'éclairage du château aux bougies, la destination privilégiée et incontournable du Loir et Cher pour passer une journée entière au bord de la Loire.