Comédie dramatique de Dario Fo et Franca Rame, mise en scène de Georges About, avec Anne Turolla et Christian Baltauss.

Rappelons-nous Médée, cette sorcière au caractère dénaturé qui dans une rage folle tua ses enfants au moment où son mari la répudie pour convoler avec une jeune femme. Cette Médée qui effraie, qui horrifie tellement elle va à l'encontre du soi-disant naturel féminin, le soi-disant sentiment maternel. Mais Médée est avant tout une amoureuse, une femme possessive, combattive. Elle se rapproprie son destin.

Comment Antonia (Anne Turolla ) qui est comédienne et qui interpréta de nombreuses fois l'héroïne d'Euripide, peut-elle accepter que son mari (Christian Baltauss ) lui explique calmement que toutes ses aventures sont purellement sexuelles et qu'il n'aime qu'elle, même s'ils ne font plus l'amour? Est-elle celle qui accepterait de partager son lit avec les maîtresses de son mari ? Doit-elle devenir l'épouse-mère dont il a malgré tout besoin ?

Le désespoir passé, elle accuse, elle rend le public témoin de sa douleur, d'un drame qu'elle juge universelle, ne le trouve-t-elle pas aussi dans le mythe de Médée. Faut-il blâmer la femme qui refuse le discours du couple ouvert ? Pourquoi c'est elle qu'il faut raisonner pour qu'elle trouve à son tour normal que l'homme ait besoin de jeunes compagnes, en vieillissant il se fait tandis qu'elle se défait.

Avec humour, Dario Fo et Franca Rame dépeignent de façon cynique les relations du couple, donnant en spectacle celui instruit, politiquement correct et socialement généreux, de l'ingénieur Mambretti et de sa femme Antonia. Il ne passe cependant pas au travers d' un certain conservatisme, du machisme de la société, qui ne place pas chacun, chacune avec les mêmes possibilités sur le marché sexuel. La pièce sonnerait presque houellebecquienne, mais l'ârme à feu où la parole est cette fois-ci donnée à Antonia, trop tragédienne pour disparaître en silence, pour s'exiler sans espoir l'âge venu.

Anne Turolla et Christian Baltauss se livrent à un bel exercice de complicité d'acteur , sur un texte qui n'est pas facile, qui semble même parfois se déplacer : fiction ou règlement de compte personnel de Franca Rame et Dario Fo ? Ils réussissent à faire sonner le texte en français, alors que le ton reste encore italien, celui des commedia dell'arte. Anne Turolla sait se transformer à vue d'œil, de femme bafouée et suicidaire, en maîtresse femme avec un discours de conviction et d'engagement. Christian Baltauss est touchant dans ce rôle d'homme sûr de lui, qui est aussi vaincu par sa propre lâcheté.

"Couple ouvert à deux battants " peut se lire autant comme un amusement, une recréation bienvenue, que comme l'amorce d'un débat et d'une réflexion plus profonde.