Mon premier contact avec le groupe havrais Dickybird, c’était, pfiou !, il y a pas mal de temps. C’était à l’occasion d’un concert dans une petite salle du Havre, à quelques pas de la mer. Dickybird jouait ce soir-là avec un célèbre groupe industriel français qui s’est sabordé depuis.

A l’époque le son était plutôt noisy et brouillon, dans l’air du temps de l’underground hexagonal.Mais tout cela est bien fini.

En dix ans, les Dickybird ont construit leur personnalité musicale et ils l’assument complètement : leur son est maintenant précis et incisif.

Cet album est magistral, certainement ce qui s’est fait de mieux dans le genre en France depuis bien longtemps, peut être depuis l’avant dernier Dickybird d’ailleurs puisque Sloy a jeté l’éponge. Du coup, Indéfendable est un titre carrément mal choisi pour cet album riche, puissant. Mais il reflète parfaitement l’état d’esprit du groupe : toujours en demi teinte. Autrement dit : On the wire.

Tout l’album respecte la règle : les morceaux se suivent et ne se ressemblent franchement pas, tantôt presque oppressants, tantôt light. Mais pas cool quand même.

Dès "01" , Dickybird donne le ton : le son sera toujours à la limite de la saturation. La rythmique est plombée, toutes les guitares sont dehors et on est étonné que Doris chante et ne hurle pas encore.Cela sera corrigé dès "02" .

"03" est un morceau presque "pop" dont la construction se fait autour d’une partie de guitare limite cold wave. Mais il ne faut pas se leurrer : c’est une courte pause, une simple prise d’air avant la (re)plongée en apnée. Ces remontées, nécessaires presque salvatrices, seront régulièrement organisées tout au long de l’album.

Avec "04" on entrevoit une face métal – industriel du groupe havrais qui reviendra avec "08" ou sur le dernier titre.

Seul morceau en français, "Enculé" , codé "06" porte mieux son titre que son code. Il faut aller lire les paroles du morceau sur le fichier PDF fourni en bonus sur le CD (avec la très bonne vidéo de "Germ" ).

Bref tout cela ressemble à un beau carnage organisé. Comme si Shellac, Wire ou Three Miles Pilot se teintaient d’un peu de pop, d’industriel (ce que Wire a fait d’ailleurs à l’occasion de son come back), parfois de riffs rock classique et de cold wave. Que du bon.

Steve Albini, qui a enregistré cet album a, bien sûr, marqué de son sceau les morceaux mais, contrairement à ses productions habituelles, on a le sentiment qu’il n’a pas pu tout maîtriser. Que quelque chose semble lui avoir échappé. On se demande bien quoi. Du coup il a suivi les idées du groupe. Et le résultat est excellent, plus que défendable.

Par contre, j’avoue que Doris me fait un peu peur (>sic !<). Je ne me fierai pas à elle quand sur "09" ("Dancing" ) elle m’assure qu’elle ne perd pas son temps, qu’elle ne s’ennuie pas et qu’elle est cool alors que cinq minutes plus tard elle se transforme en véritable furie...