Alain Soral remporta, semble-t-il, un succès en librairie avec Jusqu’où va-t-on descendre ? (nous présentons ici la deuxième édition parue en poche), puisqu’il décida de lui donner une suite par ce livre intitulé Socrate à St-Tropez. Et on se demande bien pourquoi tant Jusqu’où va-t-on descendre ? et Socrate à St-Tropez sont peu dignes de l’auteur de La vie d’un vaurien, Misères du désir ou encore Chute ! Éloge de la disgrâce.
Écrire, en effet, cet "abécédaire de la bêtise ambiante" en deux parties et avec des entrées de quelques lignes ou de quelques pages eût été une bonne idée si l’entreprise ne trahissait pas, en fait, une certaine paresse intellectuelle en raison de l’impossibilité pour le lecteur, une fois refermé Jusqu’où va-t-on descendre ? ou Socrate à St-Tropez, d’en retenir la moindre idée intéressante.
Dans Jusqu’où va-t-on descendre ?, Alain Soral amuse parfois (lire les définitions "Alonso, Isabelle", "Animateur télé", "Star (1)" et "Star (2)"), mais il déçoit davantage par ses partis pris sur les femmes ("Pantalon"), les homosexuels, etc. J’ai même l’impression d’entendre Alain Finkielkraut sur un plateau de télévision, lorsque Soral s’exprime, par exemple, sur les "z’y va" et autres jeunes issus de l’immigration.
Certes, le ton du polémiste peut expliquer certaines approximations. Comme disciple de Lucien Goldmann, Soral ne s’en rend pas moins "traître" à sa fonction de clerc. Comment peut-on rejeter les origines juives du christianisme, comme le laisse entendre Alain Soral dans Jusqu’où va-t-on descendre ?, mais aussi dans Socrate à St-Tropez ? Il s’oppose, en fin de compte, à ses propres idéaux concernant son engagement en faveur du marxisme, marxisme qu’il doit plus à Goldmann et à Henri Lefebvre qu’à Marx. En effet, il est difficile pour Soral de faire le lien entre Christianisme et Démocratie (cette simplification abusive de l’histoire en devenir fait penser au livre de Louis Rougier, Du paradis à l’utopie, qui voyait dans la religion Chrétienne l’annonciatrice du Communisme), tout en niant toute relation entre Ancien et Nouveau Testament : les affirmations de Soral feraient rire n’importe quel historien spécialisé dans l’histoire des religions !
Au-delà de ce point, j’ai l’impression que Soral me prend pour un imbécile, ainsi que son cher petit peuple de France qui lui sert avant tout de reflet. Critiquer le judaïsme, au nom d’un postulat d’universalisme qui se limite, en vérité, à une adhésion à un nationalisme sans faille de type barrésien, ne peut nous abstraire de rechercher la vérité, moins pas une fausse originalité au niveau des idées que par une quête "métaphysique" de l’étant. Bref, Jusqu’où va-t-on descendre ?, à l’instar de Sociologie du dragueur, n’oblige pas l’être humain à s’élever dans une compréhension supérieure de la réalité. C’est un essai comme les intellectuels médiatiques Luc Ferry, Bernard-Henri Lévy, Alain Finkielkraut, André Glucksmann, Jacques Attali… en publient chaque semaine (l’humour en moins, peut-être).
Enfin, j’ajoute que si Soral, dans Socrate à St-Tropez, ne voit pas de distinction entre l’écrivain et son engagement dans la vie, il admettra sans doute que son parcours politique qui va du Parti Communiste Français, en passant par Jean-Pierre Chevènement, et jusqu’au Front National de Jean-Marie Le Pen, déteint, hélas, sur son œuvre, et qu’il devrait justement se ressaisir plutôt que de s’acoquiner maintenant avec le comique pas drôle Dieudonné, personnage qu’il avait naguère dénoncé dans Jusqu’où va-t-on descendre ?.