Dans le cadre de la 5ème Biennale Internationale de la Marionnette, les spectateurs parisiens ont pu découvrir un spectacle singulier, insolite et passionnant élaboré par le Begat Théâtre. Une installation-spectacle intitulée "Les demeurées" construite à partir du texte éponyme de Jeanne Benameur qui procède par immersion du spectateur dans un parcours narratif scandé par un texte dispensé par écouteurs.

Ce texte d’une grande beauté poétique raconte une histoire d’un autre temps, une histoire de celles dont on tisse les contes populaires, une histoire que l’écriture limpide de Jeanne Benameur érige en fable intemporelle et universelle.

Cette histoire est celle de trois femmes Une mère, La Varienne, l'idiote du village, la demeurée qu’on appelle l’abrutie, analphabète, muette, "avec une lourdeur opaque dans le crâne" dans laquelle "aucune image ne s’éploie jamais" et où l‘intelligence a renoncé faute d‘espace pour se poser, qui aime sa fille d‘un amour fusionnel et animal. Sa fille, la petite Luce, née d’un accouplement avec un ivrogne de passage, a échappé à ces lourdes tares, "entre le regard et l’esprit de la petite, une aile de papillon, juste une, s’est déployée" mais vit dans cet univers infra verbal, le seul qu’elle connaisse,

Et Mademoiselle Solange l’institutrice "à l’ardeur pédagogique" qui croît en la vertu de l’école et du langage et au pouvoir libérateur des mots mais ne sait pas encore que "on ne fat pas accéder au savoir le êtres malgré eux…Cela ne serait pas du bonheur et apprendre est une joie, avant tout une joie" qui ne peut accepter l’échec de sa mission auprès de l’enfant. Un échec tout relatif car ce qui doit être sera et est annoncé par le cri de la mère muette, analphabète, qui, à la naissance, forme le mot luce, lumière, qui deviendra le prénom de la petite fille.

Jeanne Benameur aborde d’une plume extrêmement sensible, mais sans sensiblerie, de nombreux thèmes entre autres le handicap mental, avec une approche par l’intime loin de la description clinique ou naturaliste, la première relation fusionnelle de la mère et du jeune enfant, lien animal, survivance du cerveau archaïque, qui fonctionne sur le mode infra-verbal, l’école, lieu d’ouverture sur le monde, la perméabilité innée du cerveau de l’enfant, dans ce ce court roman, guère plus long qu’une nouvelle - mais le talent ne se mesure pas au nombre de pages - une histoire, un conte, ainsi qu’une parabole christique avec cette belle trinité féminine,