Comédie dramatique d'après le roman de Maxime Gorki, mise en scène de Gilberte Tsaï, avec Jeanne Arènes, Jean-Baptiste Azéma, Christiane Cohendy, Sylvie Debrun, Roland Depauw, Damien Houssier, Jacek Maka, Sophie Neveu, Anne Sée et Aurélie Toucas.

"Vassa 1910", adaptation de la première version de la pièce "Vassa Geleznova" de Maxime Gorki, dessine un superbe portrait de femme dans la Russie d'avant la révolution, figure de proue d'une famille plébéienne dont l'ascension sociale au rang de commerçants aisés est menacée par une dévolution successorale imminente qui conduirait au démantèlement de l'entreprise familiale.

Dans une société profondément machiste, Vassa Geleznova, femme de tête, profondément réaliste et lucide, s'est substituée à son mari débauché, aujourd'hui mourant, pour maintenir l'entreprise à la force des poignets face à des fils incapables et avides de plaisirs faciles.

Déterminée jusque dans ses arrachements, elle dirige sa maisonnée comme elle cultive son jardin qui bénéficie de ses soins jaloux. Elle sait que pour que l'arbre pousse droit et fructifie il faut savoir l'élaguer et couper les branches improductives et les rameaux mal formés et au besoin pratiquer des greffes.

Sans scrupules ni morale, elle trace ses plans et toute la pièce tend à cette dernière scène, la cène finale d'une communion qui n'a jamais eu lieu, avant l'implosion qu'elle a comploté prenant chacun au piège.

Gilberte Tsaï a accompli une très beau travail au service d'un texte fort à la structure difficultueuse dont elle a su restituer, au terme d'une dramaturgie rigoureuse et d'une mise en scène classique mais incontestablement efficace, la montée progressive de la violence qui se manifeste âprement et impétueusement dans ce microcosme familial dont chacun des éléments nourrit des rêves déçus ou irréalisés.

La distribution sans faille, avec un coup de coeur pour Damien Houssier, jeune promû du CNSAD qui confirme un talent prometteur, Sophie Neveu son ainée pour la belle composition de Jacek Maka, est dominée par Christiane Cohendy, grande comédienne hors norme, qui donne de cette figure matriarcale, "pêcheresse et martyre" selon les propres mots de l'auteur, la magnifique incarnation d'une héroïne tragique.