Spectacle conçu par Patricia Allio et Eléonore Weber interprété par Charline Grand et Mathieu Montanier.

Patricia Allio et Eléonore Weber poursuivent leur collaboration artistique avec un nouveau spectacle "Un inconvénient mineur sur l’échelle des valeurs" présenté dans le cadre du Festival Etrange Cargo à la Ménagerie de Verre, pièce augmentée, re-scénographiée à partir de "Less is more", leur précédent projet.

Le choix du titre n’est pas sans rappeler "De l’inconvénient d’être né", l’un des essais du philosophe roumain EM Cioran, qui réfléchit sur le vide, le non-sens de la vie, sur l’organisation sociale. Des thèmes qui travaillent également le tandem Allio-Weber. La pièce se fait l’écho de leur questionnement sur le bonheur, et la liberté individuelle menacée face aux regards et aux jugements d’une société (foule de visages) qui condamne ou tolère.

Est-ce qu’être informé, c’est être sensibilisé ? Pourquoi n’accepterions nous pas un projet alors que sa justification est cohérente et légitime ? Qu’est ce qui nous empêche de secourir l’autre ? Qu’est ce qui nous arrête ?

Les auteurs commencent par des exemples précis, vrais et documentés. C’est d’abord une sollicitation, une insistance qui devient agressive : donner trente cinq euros à une association pour qu’elle construise des abris pour une population dans le besoin, dans ces pays lointains, toujours les mêmes. Puis unetelle qui veut résolument se faire amputer de sa jambe droite, par curiosité, par goût du défi à relever, par désir de se surpasser dans la difficulté.

Et nous sommes interrogés : pourquoi son discours est tour à tour, grotesque, insoutenable et délirant voire dangereux ? Pourquoi l’indigence des uns ne suscite guère que l’indifférence des autres ?

"Rien de ce qui est humain ne m’est étranger", se plaisent à citer les philosophes. Et pourtant nous sommes surpris, dérangés, interdits. C’est dire que l’ancrage dans les certitudes vacille, l’absurde fera sourire.

Les deux comédiens Charline Grand et Mathieu Montanier, aussi seuls et nus qu’au jardin d’Eden errent dans cet espace trop vaste, trop vide. Ils cherchent l’Homme, comme Diogène la lanterne à la main en plein jour. Les moyens modernes aidant, elle porte une perche de micro accrochée à la tête. Mais c’est toujours la même quête, le même scanner.

Et le silence qu’il vienne du public ou de l’impossibilité de savoir tout à fait, nous accable. Silence de la perplexité comme de la monstruosité en elle, en lui, en nous.

Les salves d’applaudissement n’ont pas manqué d’être répétées pour récompenser le talent de deux interprètes Charline Grand à la beauté angélique qui joue la froideur obsessionnelle et Mathieu Montanier qui semble sortir d’un tableau du Gréco. Désarroi des corps et des regards : la crédibilité de ces personnages repose entièrement sur ces jeunes acteurs dont la prise de risque est ici maximal. Mais quel plaisir, nous imaginons, pour eux d’incarner des situations suscitant le scandale et le malaise.

Le propos est loin d’être clos alors peut-être Allio et Weber se donneront elles l’opportunité d’autres formes, d’autres prolongements, que nous ne manqueront pas de suivre avec le plus vif intérêt tellement ce chemin nous passionne.