Comédie dramatique de Juan Mayorga, mise en scène de Jorge Lavelli, avec Pierre-Alain Chapuis, Isabel Karajan, Christophe Kourotchkine, Nathalie Lacroix, Sylvain Levitte, et Pierric Plathier.
Dans le marasme culturel et éducatif ambiant, un professeur de français blasé reprend subitement espoir à la lecture du devoir d'un de ses élèves qui paraît bien ordinaire, anodin et discret, devoir qui relate un fait réel et s'achève par un intriguant "à suivre". Ce n'est pas l'élève assis près du radiateur mais "Le garçon du dernier rang".
Observateur clairvoyant ou voyeur impénitent, confident généreux ou manipulateur ironique, adolescent en quête initiatique - et inéluctablement vampirique - auprès d'un pygmalion écrivain raté ou double kafkaien, le jeune garçon va semer le trouble au sein de deux foyers, jeune garçon dont on ne saura rien, une figure qui traverse la vie des différents personnages et leur inspire une attirance pour le moins empathique à la manière du visiteur du "Théorème" de Pasolini.
Voilà de quoi intriguer tout autant le spectateur et Juan Mayorga, jeune auteur dramatique espagnol, s'entend à proposer à ce dernier un jeu de pistes à plusieurs niveaux d'interprétation que la mise en scène époustouflante de Jorge Lavelli se garde bien d'élucider.
Dans une langue claire et simple, non exempte ni de subtilité ni d'humour, voir les apartés sur l'enseignement, la culture de la bourgeoisie moyenne et l'art contemporain, Juan Mayorga aborde également la genèse de la fiction littéraire et une réflexion sur l'acte d'écriture.
La mise en scène est particulièrement réussie pour porter sur scène des procédés littéraires tels que les différents niveaux de narration, l'interpénétration de la réalité et de la fiction et ce que l'auteur énonce expressément "la multiplicité des points de vue", qui se matérialisent avec une très grande fluidité notamment par la traversée du miroir concrétisé par un rideau de perles en fond de scène et l'irruption des personnages depuis la salle conçue comme une scène ouverte.
Jorge Lavelli a réuni une distribution de très grande qualité et l'interprétation est sans faille avec Isabel Karajan, galeriste fantasque amateur d'art conceptuel qui se révèle avoir les pieds bien sur terre et Christophe Kourotchkine, Nathalie Lacroix et Pierric Plathier, qui composent une magnifique famille de petits bourgeois compassés et frustrés.
Face à la forte stature physique, institutionnelle et paternelle du professeur mentor et rival, superbement campé par Pierre-Alain Chapuis, le jeune comédien plus que prometteur Sylvain Levitte maîtrise totalement les différentes nuances du rôle du trublion et tous deux forment un duo janusien particulièrement convaincant et bien venu.
Totalement indispensable donc.