Comédie dramatique adaptée par Lisa Schuster d'après le journal de Benoîte et Flora Groult, mise en scène de Panchika Velez, avec Aude Briant et Lisa Schuster .

Adapté du journal autobiographique éponyme des sœurs Groult, ce "Journal à quatre mains" relate la chronique quotidienne de deux sœurs pendant l'Occupation, période qu'elles vivent dans un confortable appartement au cœur du 7ème arrondissement parisien au sein d'une famille aisée, artiste et cependant conformiste, mais aimante et unie et dans un environnement très préservé des troubles de la guerre même si le rationnement parvient un jour à faire manquer de beurre pour le petit déjeuner et sans que cela ne parvienne à éveiller en elle une conscience socio-politique.

Il célèbre également la sororité dans ce qu'elle a de plus frais et de touchant entre deux tempéraments bien différents dont une personnalité affirmée, une intelligence vive et un humour qui n'hésite pas à se colorer d'autodérision ne sont pas les moindres de leurs points communs.

Flora, la jolie blonde papillonnante et insouciante, qui rêve d'une vie mondaine au bras du prince charmant et Benoîte, la brune forte en thème aux traits plus acérés pour qui amour rime avec fusion intellectuelle, vivent, chacune à sa manière, les paradoxes propres à ce moment de la vie qu'est le passage à l'âge adulte tels la dépendance à une classe sociale et le désir d'une vie créatrice ou l'espoir d'un amour romantique et la déception induite par le décalage des sentiments, ou pour utiliser des termes plus contemporains, l'accomplissement de soi.

L'adaptation de Lisa Schuster mise judicieusement sur les fragments significatifs de ces mémoires de deux jeunes filles rangées de la génération d'après Simone de Beauvoir qui, tout en respectant le déroulement chronologique, se prêtent à la représentation sur scène, qu'il s'agisse de parties dialoguées ou de monologues, et brossent en filigrane le portrait de celles qui deviendront des journalistes et féministes engagées en offrant de belles partitions aux comédiennes.

A la mise en scène, Panchika Velez, qui avait fait merveille avec "Les forains" au Théâtre 13, passe sans difficulté, et avec la même cohérence et efficacité, du registre de l'hyper réalisme à l'intimisme avec une distribution harmonieuse et idéale.

Lisa Schuster, en jeune biche cabriolante, et Aude Briant, en pouliche rétive, donnent corps et âme à ces très jeunes femmes à travers ce chant à deux voix, en duo et contrepoint, particulièrement sensible et souvent drôle, bourré de charme et d'esprit.