Comédie satirique de René de Obaldia, mise en scène de Marie Véronique Raban, avec Barbara Bergonier, Sébastien Coënt, Alice Dhume, Jean-Guillaume Le Dantec, Christine Melcer, Alain Prétin, Marie Véronique Raban et Delphine Chaubet.

Dans le cadre du "Cycle Molière" au Théâtre du Nord-Ouest, Marie Véronique Raban a eu la bonne idée de monter un pastiche étincelant des "Femmes savantes" dû à la plume d'un académicien facétieux.

Poète, romancier et dramaturge, René de Obaldia, homme plein d'esprit et de fantaisie qui pratique une langue savoureuse, "l'obaldien vernaculaire", mise au service d'une observation aigue de ses contemporains, a signé "Les bons bourgeois", texte jouissif qui transpose l'intrigue dans le Paris de mai 68.

Cela donne une comédie de moeurs satirique et jubilatoire, dénonçant tant le conformisme bourgeois que l'intemporalité du verbalisme et de la cuistrerie, soigneusement construite en alexandrins et truffée de néologismes fantasques, de rimes insolites et autres singularités langagières et ruptures de ton qui constituent des ressorts comiques imparables et imposent aux comédiens d'avoir le texte bien en bouche.

Tel est le cas pour la distribution adéquate réunie par Marie Véronique Raban qui, dans une mise en scène vive et alerte, mène son petit monde rondement à l'instar de la domestique, qu'elle interprète, qui rappelle à l'ordre et au bon sens la maisonnée qui part en vrille.

Une maisonnée emplie de personnages burlesques saisis par une vacuité insondable dont l'auteur trace le portrait en un vers. Le pater familias "Benoit Basson d'Argueil voit dans chaque gréviste un clou de son cercueil" : c'est le truculent Jean-Guillaume Le Dantec. Son épouse, Dodo qui "tire vraiment sur le paranoïaque" est une BCBG NAP dans le rôle de laquelle Christine Melcer, exquise comédienne qui était particulièrement émouvante dans un montage de textes de Jules Renard avec Alain Prétin, montre ici, dans la veine comique, une autre facette de son talent.

Dans le rôle des filles, pour "Chantal n'a qu'une idée : quitter cette baraque", Barbara Bergonier a une jolie fraîcheur et, pour "le puits Philomène, Alice Dhume est exquise et détonnante en précieuse doublée d'une féministe et d'une militante de gauche.

Enfin pour les prétendants, Sébastien Coënt incarne Alexandre qui "a le charme agreste d'un lapin" avec un jeu qui rappelle parfois celui de Claude Rich jeune, et Alain Prétin dans le rôle du galopin Narcisse, en énarque trissotin - que l'on peut également retrouver au Théâtre Funambule Montmartre dans "Brassens, Brel, Ferré ou l'interview" campant un Léo Ferré époustouflant - est irrésistible.

Bien évidemment, tout est bien qui finit bien. Si tout change, rien ne change et l'irruptif personnage de la manifestante (Delphine Chaubet) en tire la morale : "A croire que les prolos fortifient les bourgeois !".

La troupe fonctionne en harmonie, prend manifestement plaisir au jeu et emporte l'adhésion du public avec un spectacle vibrionnant, haut en couleurs verbales et totalement jubilatoire.