Après "Sequence 1", exposition autour de la collection François Pinault, le Palazzo Grassi présente, en collaboration avec le Musée d’art contemporain de Chicago, une exposition ambitieuse organisée
En effet, "Italics - L'art italien entre tradition et révolution, 1968-2008" veut embrasser l'évolution de l'art italien depuis 40 ans.
Cette exposition, conçue par un curateur très controversé, Francesco Bonami, critique d’art, ex-directeur de Biennale de Venise, ancien conservateur honoraire du Musée d'art contemporain de Chicago, s'avère elle-même très critiquée.
Francesco Bonami, qui veut y voir "une proposition de réconciliation culturelle avec le monde international, en faisant écouter les voix rarement entendues", celles des artistes italiens qui n'ont pas eu la visibilité et la médiatisation qu'ils méritaient, précise ainsi sa démarche : "Italics n'a pas l'ambition de réécrire quarante d'ans d'histoire de l'art italien, mais essaie d'en faire un autre récit" .
Par
ailleurs, il évoque en ces termes, et à la troisième
personne, son rôle de curateur :
"Le commissaire de l'exposition dans ce cas n'est ni un historien de l'art ni un critique, mais un explorateur, un anthropologue, un archéologue du présent, un astronome qui étudie une galaxie pratiquement inconnue".
L'exposition est introduite par l'exposition, en façade du Palazzo Grassi, sur le Grand Canal, de la fontaine autoportrait de Alighiero Boetti, artiste de l'avant garde italienne qui s'interrogeait sur le statut de l'artiste.
Une exposition en forme d'inventaire à la Prévert
L'exposition résiste au didactisme et à la démarche synthétique dans la mesure où elle multiplie les points d'entrée s'abstenant de tout parcours chronologique ou thématique.
Dans
l'atrium hiératique et imposant, marbre sur marbre, une
sculpture de Maurizio Cattelan, superstar de l'abstraction hyperréaliste
: "All", neuf cadavres sous un drap en marbre blanc.
Ensuite, suivent des appariements, des juxtapositions, des filiations et des représentants des grands courants artistiques du 20ème siècle depuis le futurisme et le surréalisme.
Au fil des salles, le visiteur trouvera la photographie documentaire avec Luigi Ghirri ("Rimini"), l'art brut de Carlo Zinelli, le nouveau réalisme avec Maria Lai 1968 ("Il telaio del mattino" et "Il telaio della terra"), l'arte povera avec Marisa Merz ("Fontana") et Luciano Fabro ("L'italia d'oro"), le mouvement spatial avec Lucio Fontana ("Anbiante bianco"), le néo-dadaisme avec Alberto Burri ("Nero cretto"), la figuration libre avec Valerio Adami ("Le docce pubbliche"), l'art cinétique avec Getulio Alviani ("Interelazione cromospeculare") et bien évidemment la "transavanguardia" avec entre autres Nanni Balestrini
Des
dialogues inattendus entre la peinture réaliste et sociale
et l'arte povera avec "I funerali di Togliatti" de
Renato Guttuso et la "Vedova blu" de "Pino Pascali
sous le regard de l'autoportrait d’Alighiero Boetti, retenu
comme visuel de l'exposition.
Des regroupements thématiques, autour du corps, de l'autoportrait vu par le peintre réaliste Pietro Annigoni, Francisco Clemente et Giuseppe Penone, figure majeure de l'arte povera avec "Essere fiume", ou des objets en faisant voisiner le surréalisme onirique de Fabrizio Clerici ("Il labirinto"), la fixité métaphysique du quotidien de Domenico Gnoli ("Chair") et l'arte povera avec Michelangelo Pistoletto ("Le trombe del giudizio").
Des
filiations, comme les fesses carroyées de Gabriele Basilico
et les postérieurs "habités" de Paola
Pivi, ou "La fusione della campana" de Diego Perrone
et le "Ciclo lacrerazione" de Emilio Vedova.
La démarche archéologique du curateur, dont les
choix sont obligatoirement emprunts d'une certaine subjectivité,
tel est le lot de l'exercice au demeurant, implique un décryptage
champollionesque. A défaut, le visiteur néophyte
y verra un panorama de l'art italien qui ne le laissera sans
doute pas indifférent.