Comédie dramatique de Géraldine Navel, mise en scène de Cyril Drouet, avec Adrien Joly, Géraldine Navel, Benjamin Polounovsky et Caroline Pierret.

A peine le spectateur entre dans la salle, qu’une somptueuse demoiselle nettoie avec acharnement la scène avec son sceau et sa serpillière telle une Cendrillon des temps modernes mais brune cette fois. L’atmosphère est pesante, pas de paroles, le silence est d’or, et l’on entend que le frottement du chiffon mouillé sur la parquet.

On sent une tension, un énervement de cette jeune fille mais qu’est ce qui fait qu’elle est si agacée ? En petite tenue elle frotte encore et encore… Happé par sa beauté, on en oublierait l’endroit dans lequel se passe cette première scène et les suivantes également, d’ailleurs.

Une cabane, mais pas n’importe laquelle, celle d’un pêcheur. Oui, nous sommes en Bretagne, et tout dans cette petite maisonnée rappelle la mer du filet de pêche aux bouteilles de vin rouge disposées sur le buffet du salon. Le décor est posé et le premier personnage est seule mais plus pour longtemps.

Un homme ivre d’alcool mais aussi d’amour, entre comme une bombe et se jette sur sa dulcinée. Eloïse et Yvon, ce couple passionnel, fusionnel, deux adjectifs puissants qui prennent alors tout leur sens. Ils s’aiment et pourtant ils se détestent enfin comprenez par là que ce n’est plus de l’amour mais de la rage.

Mais cet amour n’est-il pas trop dévorant ? Et surtout une relation avec un pêcheur est-elle réellement possible ? Le chanteur Renaud dit dans l’une de ses chansons "c’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme", cette mer ne devient-elle pas trop envahissante comme une amante dont on ne pourrait se défaire ?

Eloïse, elle, est fraîche, pétillante, pleine de vie et de fougue, peut-être parce qu’elle est italienne et que le charme méditerranéen opère immédiatement. Yvon, pêcheur émérite et fils prodige de tout le village, lui tombe comme une mouche dès qu’il la voit. Ils s’aiment, mêlant violence et tendresse.

Géraldine Navel, alias Eloïse ne fait qu’un avec son personnage. D’un naturel et d’un charisme au-delà des frontières, c’est comme si elle arrêtait le temps. Le public, lui, ne voit qu’elle et Adrien Joly dit Yvon. Il respire, inspire avec eux et ressent chacune de leur joie, de leur souffrance. C’est une couple explosif ! Et leur complicité paraît si évidente. Leur jeu de comédiens est complètement envoûtant, bluffant !

Sans oublier Caroline Pierret qui joue le rôle de Marianne et Benjamin Plounovsky, celui de Loïc. Tous deux bretons, et ce quatuor amis d’enfance. Ces deux personnages pour l’un plus discret et timide cache lui aussi une passion dévorante pour Eloïse. Mais ce pêcheur se dit lâche et pense ne jamais pouvoir prétendre à une si belle femme qu’Eloïse.

Benjamin Plounovsky, nous transpose immédiatement par sa présence scénique et à la fois son naturel époustouflant à la place de Loïc sur qui personne ne s’arrête intentionnellement. Loïc a pourtant un petit quelque chose que l’on a envie d’explorer plus en profondeur…

Tandis que Marianne, au style bourgeois et snobe à la fois, essaie d’attirer l’attention de Loïc. Caroline Pierret a dans cette histoire un aspect mois sympathique, malgré cela elle réussit à donner à Marianne toute sa splendeur. Son talent est incontestablement sans faille. Elle brille et s’empare à merveille de ce personnage complexe qu’est Marianne.

En définitive, que réserve la vie à ces quatre compagnons, drame ou happy end ? Et la mer dans tout ça…

D’autre part, l’Aktéon est un lieu incroyable pour ce genre de pièce car il permet à la fois une proximité presque inespérée mais aussi une chaleur humaine entre les spectateurs qu’ils soient amateurs ou pas. Les sensations, qu’elles quelles soient, circulent entre tous, un peu comme une très grande famille. C’est à ce moment précis que s’installe une relation fusionnelle et dévorante aussi avec le public. Comédiens vous avez dit comédiens, que faut-il d’autre à ces quatre complices de plus que le talent incontesté qui coule dans leurs veines !

"Nouvelle au bord de mer", histoire, romance ou encore tragédie qui peut paraître basique et pourtant cette histoire prend alors toute sa puissance dans la mise en scène de Cyril Drouet parfaitement orchestrée et également interprétée par une jeune troupe créée il y a un an à peine. Metteur en scène et comédiens ne font qu’un bloc. Cette complicité se ressent jusqu’à nous en donner la chair de poule.

Quel travail stupéfiant, quelle harmonie et surtout quel plaisir incommensurable est offert au spectateur ! Malgré l’intensité et la violence des émotions que reçoivent en pleine figure les personnes présentes dans la salle, une heure c’est court, trop court…