Comédie de Carlo Goldoni, mise en scène de Antoine Herbez, avec Stéphanie Bargues, Anaïs Bérard-Masson, Pierre-Édouard Bellanca, Fabienne Billot, Jean Boissinot, Olivier Charcosset, Joanna Forlen, Benoît de Gaujelac, Caroline Georges, Ivan Herbez, Olivier Ho Hio-hen et Sébastien Le Rest.

Dans la pièce, Chioggia est une ville italienne où les femmes attendent sagement le retour de leur mari, de leur amant qui pèchent une partie de l’année au large. Elles semblent douces et appliquées lors du premier tableau, elles réparent ensemble les filets et cousent des jupes : image d’Epinal de la condition féminine, confinée au foyer pendant que les hommes conquièrent le monde.

Mais c’est sans compter sur le sang bouillant de ces jeunes femmes, leur désir ravageur, leur ardeur trop longtemps réfrénée. Alors il suffit qu’un homme vienne à passer pour bouleverser le bel agencement et libère tous les instincts que dissimule la boîte de Pandore : gourmandise, jalousie, envie… Et les jeunes femmes se transforment en d’abominables harpies, que les hommes, pourtant de retour, peinent à contenir.

Goldoni renverse la répartition des pouvoirs pour doter les femmes de toutes les armes : la séduction, la manipulation, la ruse, la violence, laissant les hommes peu à même de rétablir l’ordre … (ne partiraient-ils en mer qu’à seule fin de se garder du tumulte et de l’emprise des femmes ?).

Tournant résolument la pièce vers le farce et le grotesque, le metteur en scène Antoine Herbez conduit la troupe de "12 hommes en colère", son spectacle précédent, vers une interprétation qui s’inspire de l’univers des BD et des jeux vidéos. Comme si Gotlib avait redessiné la pièce de Goldoni en y intégrant des combats de mangas ou les bagarres de chiffonniers qui rythment la vie paisible du village d’Astérix.

C’est avec un plaisir évident que les acteurs déploient tout l’éventail de leurs talents, avec une énergie qu’on rencontre plutôt dans les sports de combat. On rit, on tremble … puis on se rappelle une lecture ancienne : "la Violence et le Sacré" de René Girard.