Réalisé par Steven Spielberg. USA. 2008. Avec : Harrison Ford, Cate Blanchett, Karen Allen.
Pour ne pas critiquer le film qu’il aurait fallu faire, je reviendrai ici sur plusieurs éléments précis du film tel qu’ils sont. Ne lisez donc pas cette chronique si vous souhaitez garder les surprises.
Le film aurait pu s’intituler "Indiana Jones et le retour des extra-terrestres". Dès le prologue, le ton est donné : aucun réalisme, du grand spectacle pop corn, voire du grand guignol.
Le film commence en pleine Zone 51. Indi est prisonnier des Russes, il s’échappe avec une super fusée du type fête foraine, puis se cache dans un frigo pour se protéger d’un essai nucléaire. Le frigo résiste, est projeté à plusieurs kilomètres, s’écrase dans le désert après plusieurs chocs d’une extrême violence. Indiana Jones sort du frigo, tout va bien, le champignon atomique est très "joli", il le regarde.
On doute déjà d’être devant un Indiana Jones. Dans les scénarios de films d’action, le public est prêt à accepter beaucoup d’invraisemblances, le temps du film. Comme dans l’Agence Tous Risques, personne n’est jamais ô grand jamais blessé dans les accidents de voitures. On sait que ce n’est pas réaliste, mais en tant que bon public, nous sommes prêts à l’accepter le temps d’un film si l’ensemble du film est cohérent est fidèle à son propre ton.
Ce qui n’est pas le cas pour ce quatrième Indiana, et qui fait sombre dans la série B souvent risible malgré elle. Car là où La Momie assumait son grand guignol et jouait la comédie potache, Indiana Jones a toujours été ancré dans le réalisme : Jones est un professeur, un archéologue. Donc, avec un rapport concret aux objets, à l’histoire, à la réalité. Et ce qui faisait le charme étincelant de la trilogie (un peu moins du Temple Maudit), était cette capacité à introduire dans les histoires des éléments mythologiques, et à nous y faire croire pendant 2 heures. Parce qu’avant, les dangers réels étaient traités avec réalisme : les incendies sont dangereux, un homme peut vous arracher le coeur, et un coup de poing peut vous immobiliser.
Dans ce royaume de cristal, on assite à la même dérive que dans le second Pirates des Caraibes ou le second Matrix. Les bases acceptables du concept sont ruinées en un instant par manque d’imagination et de cohérence. On assiste à une série de scènes sans originalité : des insectes numériques comme dans La Momie, une poursuite moto/voiture en deça même de Retour vers le futur, une scène de lianes en lianes par le nouveau Georges de la Jungle, un combat irréaliste à l’épée sur deux voitures comme dans Pirates des Caraibes 2 sur la roue, la zone 51 comme dans... de nombreux films et séries...
Tout ce qui faisait l’attrait de l’action archéologique est oublié, gommé pour des effets et des idées que même X-Files n’avait pas osé nous faire gober. Indiana Jones et l’humour perdu, Indiana Jones et les effets spéciaux d’ILM... A la sortie de la salle, la question est : comment se fait-il que personne dans le processus de production n’ait dit "stop", à commencer par Spielberg et Lucas ? Pourquoi et comment personne n’a-t-il dit "Non, pas d’extra-terrestres dans Indiana Jones" ?
Avec cette somme d’incohérences, on se rend compte au final de la puissance et du charisme du personnage. Indiana Jones aura tout vu, tout traversé, même son propre navet, en restant Indiana Jones.
Malgré un générique avec lequel Spielberg avait déjà fait ses meilleurs films : Williams au score, Konji à la technique, Koep au script, Kahn au montage... on assiste ici à une compilation d’explosion atomique, de zone 51, de zombies, de CIA, de FBI, de russes, de KGB... un best of de la culture américaine, avec le drapeau sur tout l’écran dès la première scène. Cela en devient navrant, car un peu plus d’imagination ou de recherche aurait pu offrir bien meilleur scénario.
Mais attention, nous avons un point de vue européen sur ce film : aux Etats Unis, ce scénario est considéré comme hautement divertissant et tacitement conforme aux standards.
Mais même au-delà de ça, cet Indiana Jones souffre de l’époque qui a changé : nous sommes dans les années 2000, aujourd’hui l’action tire de plus en plus vers un ultra réalisme stylisé (la trilogie Bourne, la série 24), et l’aventure pure n’existe plus. La manière de faire et de voir les films a évolué.
Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal est donc raté, et selon plusieurs points de vue, peut être considéré comme nul, mais il reste un film rafraichissant et exotique : voir des coups de poing et pas que des fusillades automatiques, avoir pour décor autre chose que les différentes villes des Experts, cela fait quand même du bien.
Indiana Jones, il est trop fort de toute façon. Et les extra-terrestres ça existe, c’est sûr maintenant.