Boston, été 1970, le Velvet Underground joue régulièrement dans le club de son manager, le Tea Party, où il fait la connaissance d'un jeune talent local de dix-huit ans, Jonathan Richman, lequel complètement fasciné par le groupe, finira déménager pour un an à New-York.

De retour dans sa ville natale avec l'ambition de se faire des amis tout en écrivant des chansons d'amour modernes, Jonathan Richman assemble autour de lui une formation rapidement baptisée The Modern Lovers, constituée à terme de David Robinson, Jerry Harrison et Ernie Brooks.

Après quelques semaines de répétition, un premier répertoire émerge mélangeant sublimement Velvet attitude, riffs stoogiens gorgés de fuzz, orgue hanté à la Manzarek, jeu de gratte et voix très Lou Reed. Dès les premières pépites, "Roadrunner" , "She Cracked" , "Somenone I Care About" , "Hospital" , "Pablo Picasso" , tout le punk 60's se voit rassemblé sous sa forme définitive : cinq ans plus tard, Heartbreakers et consorts n'auront qu'à se pencher pour ramasser le succès.

Une première séance d'enregistrement est réalisée avec John Cale, au piano sur "Pablo Picasso" et toujours dans les bons coups, avant une autre quelques mois plus tard en mars 1972, ne satisfaisant que partiellement le groupe alors en attente de sessions plus sérieuses. Pourtant chez Jonathan, la spirale du changement est déjà en route : il désire baisser le volume, arrêter les distorsions et avant tout, enregistrer de nouvelles chansons.

Arrive à ce moment Kim Fowley avec qui seront gravés 8 titres dont une version apaisée de "I'm Straight" , "Government Center" et "Dance With Me" (restées inédites jusqu'en 1980 et figurant en bonus track). Enfin signé par Warner quelques mois plus tard, Richman semble incapable de rejouer avec la même passion et la même intensité brute de décoffrage les titres emblématiques des débuts.

Le malaise devient plus palpable encore lorsqu'il informe sa maison de disques que le répertoire ancien ne sera plus joué sur scène (Warner avait pourtant fait stipuler dans le contrat un "Roadrunner" à chaque gig). Seul témoignage de ces séances désastreuses, "I Wanna Sleep In Your Arms", inédit de toute beauté, encore ici présent en bonus track de cette pimpante réédition.

Au bout du rouleau, Jonathan déclare enfin vouloir faire une tournée des hôpitaux et des lycées avec comme backing band des gens pris dans le public. Très prévisible était la proche démise du groupe intervenant un soir de février 1974 suite à un show où Jerry Harrison quitte le groupe pour s'être vu reproché d'avoir joué trop fort.

La publication de ce chef d'oeuvre absolu (constitué de neuf démos datant de 1971-72 - dont les sessions avec John Cale -) n'intervient qu'en 1976 apparaissant ainsi complètement dans l'air du temps : l'erreur est pourtant de taille, elle en est la cause. Il est habituellement entendu que les Stooges sont les ancêtres du punk mais il semble plus que réducteur (et surtout injuste) de passer sous silence ce chaînon manquant de l'histoire, celui sans lequel le punk new-yorkais (et plus si affinités) n'aurait probablement jamais vu le jour.

Séminal, époustouflant, un des disques cruciaux de l'histoire du rock enfin réédité dans toute sa splendeur.