Il est des anomalies comme ça, des choses étranges qu'on serait bien tentés parfois d'aller déposer sur le bureau de Scully et Mulder, des fois qu'ils soient plus inspirés que nous pour expliquer l'inexplicable.
Parce que, quand même, qu'un joyau comme celui dont je m'apprête à vous entretenir n'ait jamais propulsé son auteur au sommet d'une gloire mille fois méritée - et des milliers de fois décernée à d'autres bien moins méritants - a quelque chose de vraiment surnaturel.
Ce joyau, c'est "The Greatest Living Englishman" de Martin Newell. Ce disque, comment vous dire, c'est XTC, les Beatles, Les Kinks, Bowie en un. Et c'est même plus que ça.
Sorti en décembre 1993 sur un obscur label londonien, " Humbug ", c'est un album vers lequel les rares chanceux qui le connaissent reviennent inlassablement, comme pour s'y laver les oreilles et se rappeler ce qu'ils aiment le plus dans la pop anglaise.
On ouvre le boîtier et on y lit une citation d'Orwell : " Quand vous revenez en Angleterre, de n'importe quel pays étranger, vous avez immédiatement la sensation de respirer un air différent ". Le ton est donné. On explore les crédits : Andy Partridge, d'XTC, aux mannettes et aux guitares, et quelques guests stars, dont Captain Sensible. On appuie sur " play ", et on a envie de détourner la phrase d'Orwell : à chaque fois qu'on revient vers Newell, on a immédiatement la sensation d'autre chose.
Dès " Goodbye Dreaming Fields ", on a entre les oreilles un des plus beaux fleurons de cette pop pour laquelle on est prêt à se damner. Arrangements prodigieux, voix époustouflantes, textes d'une justesse d'observation (le bonhomme est un poète d'une drôlerie et d'une intelligence rares – il donne de nombreuses lectures devant un parterre hilare dans le sud de l'Angleterre), les tueries s'enchaînent sans répit. Pas un déchet, pas une seconde faiblarde. Un pur chef d'œuvre anglais qui réussit le prodige de condenser en une petite heure tout ce qu'on aime dans cette pop anglaise raffinée et élégante, qui de McCartney à Madness, de Jam aux Smiths en passant par XTC, les Pale Fountains et Ray Davies, ressemble fort au noyau dur de notre CD-thèque idéale.
Que ce disque soit resté confidentiel est une énigme. J'eus la chance de papoter avec Martin Newell, je sens encore sa chaleureuse poignée de mains quand je tentai de lui expliquer à quel point j'aimais 'The Greatest Living Englishman'. Il a souri faiblement et a murmuré, comme pour lui-même : " yeah, it was an OK album, wasn't it ?…. ".
Un album pas mal, dit-il… Et Waterloo Sunset, c'était
quoi ? Sympathoche ?