Après son disque précédent, Bienvenue au Club, Kent nous revient avec un concept album. L’Homme de Mars est à la fois un disque de chansons et une BD. On nous a rabaché depuis des années que rock et BD étaient deux mondes en étroite corrélation, Kent a donc décidé de faire sienne cette idée.
Grosse prise de risque à notre époque, ou les artistes se déclinent en chansons téléchargeables à l’unité, que de faire un disque contant une histoire avec prologue, épilogue et narration à la première personne, entre les titres.
Au début de cet ambitieux projet, les chansons ont été travaillées pour un format rock, mais l’insatisfaction de l’auteur et la présence d’esprit de Bertrand Fresel et Fred Pallem, ont fait pencher l’idée originale vers une orchestration qui n’est pas courante dans l’univers de Kent. L’album a été enregistré avec l’Orchestre de la Radio Magyar à Budapest.
Puis, ayant plus d’une corde à sa guitare, l’envie d’illustrer l’histoire, en revenant à un de ses amours de jeunesse, la BD s’est avérée essentielle dans ce projet (NDLA : Kent illustrait les pochettes des disques de Starshooter et a publié dans les années 80 plusieurs albums de BD). Le résultat est de loin réussi et bouscule les conceptions marketing du moment. Des fois, le public a besoin d’être bousculé.
Kent nous narre l’histoire d’un martien, dont la sagesse qu’il a acquise, n’a d’égal que l’ennui qu’elle lui procure. Voyant l’animation qu’il y a sur la planète Terre, il décide de venir observer ses bruyants voisins cosmiques.
Ce postulat permet à l’auteur de jouer sur plusieurs tableaux. Tout d’abord reprendre l’un des thèmes essentiels de la science fiction qui est de critiquer l’humanité et ses travers, notre société est passée au crible de l’incompréhension de ce martien. Il croisera l’amour, l’envie, la mort, tous ces sujets qui font de nous, des humains. Cela permet aussi une foison de références au genre, des Chroniques Martiennes de Ray Bradbury à L’Homme qui Venait d’Ailleurs (film de Nicholas Roeg avec David Bowie, 1976).
Musicalement, le disque se traduit par une réalisation léchée, une grande partie des titres ont été enregistrés à Budapest, avec un orchestre classique. Une prise de risque pour Kent compositeur, obligé de travailler ses titres qui prennent une nouvelle ampleur, l’essai est largement transformé. Le résultat est très intéressant et là aussi il permet de jouer avec les codas des opéras rock et autres albums conceptuels des années 60-70. Pour preuve, le Cargo Cultesque titre clôturant l’album, "Planète Mars".
Graphiquement, je n’ai pas eu l’occasion de feuilleter l’album de BD, l’objet que j’ai entre les mains contient des illustrations pour chaque titre, inspirées des couvertures des revues de SF des années 50. Au dos, les paroles de chansons sont agrémentées de cases provenant de la BD qui donnent un avant goût du résultat final.
Cet Objet Musical Non Identifié nous fait passer dans une nouvelle dimension de l’univers de Kent. La prise de risque est à la hauteur du résultat, un disque original, fier des influences qui construisent l’artiste et très personnel. |