Vaudeville de Georges Feydeau, mise en scène d'Alain Françon, avec Éric Berger, Anne Benoit, Pierre Berriau, Jean-Yves Chatelais, Clovis Cornillac, Irina Dalle, Philippe Duquesne, Alexandra Flandrin, Pierre-Félix Gravière, Guillaume Lévêque, Agathe L'Huillier, Pearl Manifold, Gilles Privat, Julie Timmerman et Lionel Tua.

Comédie bourgeoise à la bouffonnerie surréaliste, satire de mœurs au demeurant pathétique et divertissement bien tempéré, "L'hôtel du libre échange", qui a su peaufiner sa campagne de communication axée sur la sécurité et la discrétion promise aux gens mariés ensemble ou séparément, s'avère un lieu de plaisirs coupables qui ne tiendra pas ses promesses pour Monsieur Pinglet et Madame Paillardin.

Celui-ci, plein d'une vigueur inassouvie par une sèche épouse, jette son dévolu "hygiénique" sur la femme de son ami, voisin et partenaire professionnel, qui remèdie au manque de tempérament de son mari avec la bonne excuse absolutoire d'un soupçon d'adultère. Après une avalanche de quiproquos et de portes qui claquent au rôle profondément moraliste, puisqu'aucune atteinte au serment de fidélité ne sera pas perpétré en actes, chacun regagnera ses rassurantes pénates.

"L'hôtel du libre échange" est l'archétype du vaudeville, genre théâtral qui peut être monté de manières bien différentes, et néanmoins réussies, dès lors que subsiste son essence qui tient à la folie fatale qui s’abat sur une situation ordinaire, ce tournis, sorte de deus ex machina, qui s'empare des individus et déjoue inéluctablement les projets des hommes, même - et surtout - les plus ordinaires, pour en démasquer la véritable nature.

Ainsi, la palette va de la grande tradition du boulevard, comme cette saison par exemple, avec "Un fil à la patte" de Feydeau, huilé à souhait par Alain Sachs, de manière burlesque comme l’a fait Jean-Marie Vesperini avec "L’affaire de la rue de Lourcine", du même Feydeau, ou de façon complètement explosive comme "Le chapeau de paille d’Italie" de Labiche vu par le dynamiteur Jean-Baptiste Sastre.

"L’hôtel du libre échange" mise en scène par Alain Françon s’inscrit quelque part dans cette triangulaire et de ce fait donne l'impression d'être "entre deux eaux". D'où un sentiment de déception accru par un paramètre exogène, le brouillage dû à la propension du public, avide de déployer le bon gros rire à gorge déployée résolument prôné comme obligation de résultat pour le vaudeville, à s'esclaffer incongrûment.

Dans un décor minimaliste qui, étrangement, dégage un pathétisme glauque, au sein d'une distribution aux prestations hétérogènes, la bonne surprise et le plaisir viennent incontestablement de la présence des deux protagonistes principaux, Clovis Cornillac, désopilant, et Irina Dalle, étourdissante, qui incarnent parfaitement le couple principal pris au piège de l'amour sans scandale et du plaisir sans peur.