Si certains directeurs de théâtre sont quasiment invisibles, tel n’est pas le cas de Catherine Develay, la nouvelle directrice du Théâtre Le Ranelagh. Impossible de ne pas la croiser au sein du théâtre, à un moment ou à un autre, attentive, vigilante et toujours disponible.

Le jour de notre rendez-vous, alors que nous étions en avance, nous la voyons débouler à toute allure, un paquet de flyers à la main, nous saluer vivement en disant : "J’arrive tout de suite. Je vais tracter à al sortie de l’école d’en face pour mon spectacle jeune public". Voilà qui n’est pas banal.

Mais Catherine Develay n’est pas une directrice de théâtre banale.


Quand, comment et pourquoi avez-vous été amenée à présider aux destinées du Théâtre Le Ranelagh ?

Catherine Develay : J’ai repris ce théâtre il y a un an et demi, et cela un peu par hasard car je n’étais pas vraiment dans ce métier, et j’ai eu l'opportunité de reprendre la société d’exploitation de ce théâtre. Ce théâtre appartient à Madonna Bouglione que je connais et c’est ainsi que j’ai eu connaissance de ce qu’il était à reprendre. Je me suis mise sur les rangs car j’ai une grande passion pour le théâtre et j’ai eu la chance d’être celle dont la candidature a été retenue.

N’étant pas du sérail, si on peut dire, comment les débuts se sont-ils passés ?

Catherine Develay : Au début, j’ai été un peu paniquée car je me suis très vite retrouvée avec un théâtre qu’il fallait faire vivre à partir d’une programmation à créer de toute pièce. La difficulté ne consistait pas dans la gestion, car la gestion d’entreprise est mon métier et ma formation, donc cela ne me souciait pas vraiment. En revanche, la programmation revêt un caractère primordial pour un théâtre et j’ai dû tout apprendre et rapidement.

Il est vrai aussi que le directeur d’un théâtre est spontanément très sollicité par les compagnies et les artistes qui viennent proposer leurs spectacles. Dès lors, le plus épineux consiste dans le choix en tenant compte des réalités du théâtre mais aussi des goûts potentiels du public. Pour ce point, je me suis fiée à mon ressenti et à mon goût en me disant que ce qui me plaisait pouvait peut être plaire à d’autres.

Quels sont vos critères de sélection et avez-vous déterminé une ligne théâtrale ?

Catherine Develay : Quand j’ai repris ce théâtre, Madonna Bouglione avait axé la programmation sur les spectacles de cirque. Je pense que cela ne correspondait pas vraiment à l’attente des spectateurs potentiels de ce quartier du 16ème arrondissement qui avaient un peu déserté ce lieu. Compte tenu de la situation géographique du théâtre Le Ranelagh, qui est un peu décentré par rapport au coeur de Paris, j’ai souhaité orienter en priorité la programmation pour un public de quartier.

Je suis donc partie de ce constat et de cette priorité d’autant que Le Ranelagh est le seul théâtre dans le 16ème arrondissement, si on exclut le Théâtre National de Chaillot qui officie dans un autre registre. Et mon critère principal de choix est le coup de cœur pour un spectacle. Pour moi, c’est indispensable. Et il est vrai que je n’ai pas encore expérimenté la programmation d’un spectacle qui ne me plairait pas ! (rires). Par ailleurs, je suis une spectatrice éclectique qui ne manifeste pas d’ostracisme par rapport à un registre théâtral. Je n’ai donc pas souhaité restreindre ou spécialiser la programmation.

Vous choisissez seule ?

Catherine Develay : Non, je suis entourée d’une jeune équipe dont chaque membre donne son avis ce qui me permet de prendre une décision éclairée. Ainsi, une de mes collaboratrices a en charge les relations avec les collectivités, les comités d’entreprise et les écoles et me relaie les éventuelles attentes ou goûts de cette catégorie de spectateurs.

Vous avez aussi entrepris des travaux d’aménagement et de rénovation du lieu et il faut absolument informer le public que les fameux fauteuils du Théâtre Le Ranelagh réputés pour leur inconfort et leur grincement ont été changés, et donc, que les spectateurs n'ont plus aucune bonne mauvaise excuse pour ne pas venir.

Catherine Develay : Effectivement. Le lieu nécessitait une sévère novation et outre les sièges nous avons également totalement rénové les loges des comédiens ce qui me parait élémentaire pour qu'ils se sentent bien et aient envie de venir jouer au Ranelagh. Nous avons également procédé aux travaux de mise aux normes en matière de sécurité et petit à petit nous parachevons cette phase de travaux qui se terminera avec la réfection des peintures du foyer dont nous soignons également le décor. D’autant que le lieu, avec sa salle de représentation en chêne sculpté de style néo-renaissance est très beau. J’organise d’ailleurs des visites du théâtre pour en rappeler l’histoire. Je suis très sensible à la beauté de ce lieu et quand j’arrive au théâtre je suis sereine.

Vous avez donc opté pour une programmation éclectique qui va du spectacle musical au théâtre classique avec des choix parfois hardis comme la programmation non pas d’un spectacle mais d’un cycle de spectacles dans le cadre d’un "Festival Eclats baroques" qui s’est déroulé sur deux mois. Quel bilan et quelles lignes de force se dégagent de ces premières saisons ?

Catherine Develay : Je suis confortée dans mon idée première qui reposait effectivement sur l’éclectisme afin de proposer des spectacles pour tous les publics sans exclusive. Donc cela part du classique. Et cela naturellement puisque ce quartier comporte de nombreux établissements d’enseignement, vers lesquels nous avons renforcé notre dispositif pour amener les scolaires au théâtre, qui ont répondu de manière positive et qui, désormais, attendent avec impatience les prochaines programmations.

Et vous rappelez le cycle consacré au théâtre baroque qui a beaucoup plu par sa grande connotation culturelle et la curiosité suscitée par ce théâtre dont les codes étaient méconnus de la plupart de spectateurs. Nous avons également proposé un cycle Musset et le théâtre romantique. Nous essayons également de programmer des événements collatéraux comme des conférences et des après-midi poétiques.

Et puis nous n’omettons pas le divertissement et nous programmons donc des spectacle musicaux qui reçoivent un très bon accueil du public car c’est un registre qui plait énormément en ce moment. Ainsi par exemple, "L’oiseau rare", le spectacle musical conçu et mis en scène par Carolie Loeb, démarre déjà très bien.

Pour rester sur les éléments bilanciels, avez-vous réussi dans votre entreprise notamment de fidélisation des habitants du quartier et de reconstitution d’un bon taux de fréquentation ?

Catherine Develay : Oui. Grâce notamment aux éléments d’information que nous recueillons ponctuellement à l’issue de spectacles et notamment à travers les coordonnées que nous laissent les spectateurs pour être informés du programme du théâtre, nous avons pu constater que nous sommes parvenu à reconstituer le public local du théâtre mais également que notre programmation intéresse, à raison d’un taux de 40%, des personnes ne vivant pas dans ce quartier. Ce qui est très encourageant.

Finissons sur la programmation 2008 et vos objectifs.

Catherine Develay : Nous poursuivrons dans l’éclectisme puisque les deux spectacles qui ont démarré en décembre se poursuivront en 2008. Il s’agit de "L’oiseau rare" un spectacle musical avec Edwige Bourdy qui est une chanteuse remarquable et de la création d’une pièce très drôle, "Une autre vie", d’Emmanuel Vacca qui est un homme à tout faire sur scène qui a un humour que j’apprécie beaucoup.

Pour finir la saison 2007-2008, notre choix n’est pas encore totalement déterminé. Ensuite, pour la rentrée, nous programmerons un spectacle que j’ai découvert à Avignon, "Public or not public", une comédie qui raconte une histoire du théâtre revue et corrigée par cinq comédiens qui ont, là encore, beaucoup d’humour. Et je pense que cela sera un très bon choix pour les scolaires dans la mesure où il s’agit d’un spectacle didactique.

Par ailleurs, s’agissant des objectifs je souhaiterai continuer l’insertion d’événements collatéraux qui ponctuent la vie du théâtre en parallèle aux représentations proprement dites. Un de mes nouveaux objectifs est de proposer aux spectateurs des concerts car la salle du Ranelagh dispose d’une très belle acoustique puisque sa vocation initiale, lors de sa construction, était d’être un salon de musique.

Donc un an et demi après, pas de regrets de vous être lancée cette aventure ?

Catherine Develay : Non ! Et je continue !