Le Musée Maillol reçoit une exposition consacrée à Arthur Fellig plus connu sous le nom de Weegee, figure légendaire du photojournalisme, pionnier du fait divers, précurseur du paparazzi, qui présente plusieurs centaines de photos de la collection du galériste berlinois Hendrik Berinson.

Photographe indépendant qui a fait ses classes aux laboratoires photo du New York Times et de l'agence Acme Newspictures, ses photos feront la une des quotidiens et des magazines populaires américains de la presse à sensation dans la période 1935-1945.

Vivant dans une chambre miteuse, sa maison était sa voiture dont le coffre était transformé en bureau et en laboratoire car pour lui, "Mon appareil photo était toute ma vie, mon amour, mon unique sésame."

Weegee the famous !

L'exposition s'ouvre sur une cimaise avec la photo "Je quitte le commissariat central à minuit …"

Car Weegee c'est une voiture qui fonce dans la nuit, pleins feux, avec la lueur du tableau de bord qui éclaire d'un halo le visage du conducteur au regard halluciné, "Weegee the famous !" comme il se surnommait lui-même, le photo-reporter cigare au bec qui shoote plus vite que son ombre.

1935-1945, les années noires à New York qui clame tous néons dehors "New York is a friendly town", suivant la ligne de fuite blanche d'une rue pavée, Weegee jette un regard sur l'horloge du Consolidated Edison Company Building dont les aiguilles lumineuses marquent minuit. L'heure de la faucheuse.

Branché sur la fréquence de la radio de la police, à l'affût du morbide, du sensationnel et du spectaculaire, il est le premier sur place pour tirer le portrait du macabé, approcher le crash automobile ou les débris calcinés d'un incendie.

Le choc des photos

C'est la photo "coup de poing", celle qui regarde l'Amérique au fond des yeux et dans ses bas fonds, ceux de la solitude, de la misère et de la ségrégation raciale, celle qui immortalise les petits malfrats, les gens de la nuit qui hantent le Sammy's Bowery Follies, surnommé le cabaret de la misère, et les laissés pour compte qui squatte le centre d'accueil de la Bowery Mission.

Certes, il y a d'autres photos à tendance plus sociale comme le jour de Pâques à Harlem, les enfants maigrelets du Low East Side qui se rafraîchissent auprès d'une bouche à incendie, le gratin qui va à l'Opéra, les interlopes nocturnes et le portrait des célébrités de Dali à Jerry Lewis.

Mais ce sont les premières qui frappent le visiteur.

Rétrospectivement, plus d'un demi siècle après, cette Amérique des années 40 ressemble à celle décrite par Chandler ou Chester Himes et qui transpire des films noirs de l'époque. D'ailleurs il quittera New York pour Hollywood.

Où s'arrête la réalité, où commence la fiction? Parce que Weege use de la mise en scène et, d'une certaine manière, modifie la réalité objective en y appliquant une esthétique presque cinétique avec son cadrage serré et l'utilisation systématique du flash.

Une esthétique qui n'occulte cependant pas le caractère parfois dérangeant, et contreversé à son époque, de certains de ses clichés quant à l'exploitation spectaculaire des événements dramatiques qui atteste de la pérennité du débat sur le "choc des photos".