Benjamin Bellecour, comédien et metteur en scène, Pierre-Antoine Durand, compositeur, sont également auteurs dramatiques et ont écrit à quatre mains "Fermeture définitive" qui a été à l'affiche du Théâtre La Bruyère.

Ils ont aussi intégrés l'équipe de programmation du Ciné 13 Théâtre qui organise du 29 mai au10 juin 2007 le Festival "Mises en capsules.

Ils nous présentent cet événement singulier qui consiste en une carte blanche donnée à 9 comédiens-metteurs-en scène pour des créations de spectacles de forme courte que le public pourra voir "à la carte".

Lors d'une précédente interview, nous avions évoqué la programmation du Ciné 13 Théâtre et son évolution liée notamment à la volonté de Salomé Lelouch sa directrice et à votre arrivée au sein de l'équipe de programmation. Le festival de formes courtes "Mise en capsules" que vous y initiez cette année en est donc une des composantes ?

Pierre-Antoine Durand : C’est effectivement une étape car faire évoluer une programmation nécessite du temps en raison du public que nous avons fidélisé et des compagnies avec lesquelles nous avons l’habitude de travailler. Ce festival, qui se déroule sur une durée limitée et présente un nombre important de spectacles, nous paraît une bonne formule pour tester des choses différentes avec ce principe de carte blanche donnée aux metteurs en scène sollicités qui leur offre donc une grande liberté. S’agissant d’une programmation courte, cela était possible puisque l’impératif de rentabilité financière est moins prégnante. Ce qui lui donne également une dimension un peu expérimentale. S’agissant de spectacles très différents, nous verrons ainsi les réactions du public.

Il faut préciser qu’il s’agit d’un festival de formes courtes, des spectacles d’une durée de 30 minutes, avec une formule originale "à la carte" permettant aux spectateurs de composer lui-même sa soirée, en choisissant parmi les 4 ou 5 spectacles proposés chaque soir, en fonction de son temps disponible qui est devenu un des critères de choix du public. Cette analyse qui aboutit à faire du théâtre un supermarché dans lequel le public viendrait choisir son produit, et donc de la représentation théâtrale un objet de consommation, n'est-elle pas contraire à la philosophie du théâtre ? Faut-il faire du sur-mesure ou ne faudrait-il pas plutôt éduquer le public en lui rappelant ce qu'est le théâtre, la représentation théâtrale et l'implication du public dans le geste théâtral ?

Pierre-Antoine Durand : Au départ, nous souhaitions organiser un festival mais le Ciné 13 Théâtre est un théâtre privé qui ne bénéficie d’aucune subvention et donc il a fallu prendre en considération des impératifs financiers qui ne nous permettaient pas de supporter la charge de 9 spectacles d’une durée classique. Par ailleurs, nous avons constaté que le public veut venir voir des comédies ou des stars. De plus, il a toujours peur de s’ennuyer, et le théâtre exigeant est souvent considéré comme ennuyeux, et de perdre son temps.

Ce sont des réalités et nous sommes donc obligés de composer avec cela. Ainsi, en début de saison, Salomé Lelouch a monté "La dame de chez Maxim", qui est un divertissement avec tout en essayant d’en faire une adaptation novatrice. Ce spectacle a très bien marché mais nous ne souhaitons pas nous limiter à ce registre car la vocation du Ciné 13 Théâtre est également de faire de la création.

Nous avons donc opté pour une démarche pragmatique en proposant au public de venir découvrir des spectacles en formules courtes en nous inspirant des journées que nous avions organisées en 2006 où nous diffusions des courts-métrages 17 à 22 heures qui avaient dégagé une bonne synergie. Le battement d’une vingtaine de minutes entre deux spectacles sera aussi l’occasion de discuter avec les comédiens et d’initier une certaine convivialité du lieu. Et nous pensons, et espérons, que, par le biais d’un spectacle court, certains spectateurs étendront leur choix à des spectacles plus exigeants.

Quels ont été vos critères de choix pour ce festival dans lequel figurent à la fois des personnalités connues, comme Niels Arestrup et Anne Bouvier par exemple, des artistes "émergents" et des nouveaux venus ?

Benjamin Bellecour : Nous avons souhaité réunir des énergies diverses en choisissant des comédiens et des comédiens-metteurs en scène qui ne sont pas des metteurs en scène "confirmés", qui sont à des stades différents dans leur parcours artistique et de confronter les expériences. Pour ceux qui débutent, ce festival peut constituer un tremplin et la formule "carte blanche" les invite à se faire confiance et à laisser apparaître leur univers. Pour ceux dont ce n’est pas la première expérience, cela constitue davantage un exercice de style et la formule les intéresse.

S’agit-il vraiment d’une "carte blanche" ou d’une clause de style ?

Pierre-Antoine Durand : Il s’agit d’une vraie "carte blanche" que nous avons donné à des personnes de confiance. Et, contrairement aux régisseurs, nous n’avons pas encore vu leur spectacle.

Benjamin Bellecour : C’était le postulat de départ de ce festival dès lorsque nous n’avions pas défini de thématique ni imposer de lignes. Nous avons choisi des personnalités bien différentes mais qui s’interrogent toutes sur la forme théâtrale. Et puis il y avait aussi un côté ludique en leur disant que nous n’intervenons pas, ni au titre de producteur ni en tant que salle de spectacles, et que le seul juge sera le public.

Benjamin Bellecour, vous êtes auteur dramatique, comédien et metteur en scène, Pierre-André Durand, auteur dramatique et compositeur. Vous n’avez pas eu envie à titre personnel de vous confronter à cette expérience de formule courte ?

Benjamin Bellecour : Non car nous avons la possibilité de le faire au sein du Ciné 13 Théâtre en cours d’année. De plus, nous voulions accueillir des comédiens et des troupes "extérieures".

Les spectacles proposés ont-ils été conçus spécialement pour ce festival sous cette forme courte ou s'agit-il d'un extrait ou d'un condensé d'un spectacle à la "longueur variable" qui pourrait donner lieu à une représentation de format classique ?

Benjamin Bellecour : Oui, tout à fait. Cela étant, peut être que les auteurs et metteurs en scène voudront ultérieurement explorer davantage leur sujet.

Cette forme courte a-t-elle une réalité et un sens au niveau dramaturgique ?

Benjamin Bellecour : Oui parce que certains sujets ne nécéssitent pas des développements sur une heure. Et puis, comme il peut être difficile d’épuiser un sujet en 30 minutes, la formule courte me paraît intéressante dans la mesure où elle joue, d’une certaine manière, comme la nouvelle et le court-métrage, sur la frustration du spectateur qui peut éprouver le sentiment de vouloir en avoir plus.

En cas de réussite de ce festival, souhaiteriez-vous expérimenter concrètement la forme courte dans le cadre de la programmation du Ciné 13 Théâtre par exemple en insérant un 30 minutes ?

Pierre-Antoine Durand : Nous n’avons pas vraiment réfléchi à cela car cette année nous avons essayé de lutter contre l’habitude qu’ont les petites salles, essentiellement pour des raisons de rentabilisation, de faire Avignon toute l’année. Le public ne s’y retrouve pas. Ici, au Ciné 13 Théâtre, cette année, nous avons testé une programmation presque unique avec "La dame de chez Maxim" qui a très bien fonctionné toute l’année. Toutes les énergies étaient centrées et concentrées sur la réussite de ce spectacle et le travail a été efficace et moins stressant qu’avec une programmation multiple.

Avez-vous conçu ce festival en termes de récurrence le réitérant périodiquement ? Et/ou envisagez-vous de multiplier les manifestations ponctuelles de ce genre, sur d'autres thématiques, d'autres registres ou d'autres formats, qui feraient, en quelque sorte, du Ciné 13 théâtre, un laboratoire ?

Pierre-Antoine Durand : Il est encore un peu prématuré de le dire avant de savoir si ce festival est un succès. Mais bien sûr nous avons envie de réitérer cette expérience pas obligatoirement en la reproduisant à l’identique. Sa courte programmation peut constituer un événement intéressant pour toucher un nouveau public qui n’est pas familier du Ciné 13 Théâtre, de rencontrer de nouvelles compagnies et dynamiser le lieu.

Benjamin Bellecour : Il paraît parfois difficile d’organiser de type d’événement dans de petites structures et nous avons vraiment envie, au Ciné 13Théâtre, d’explorer de nouvelles formes et d’aller chercher un nouveau public. Sortir des sentiers battus en réfléchissant sur le pourquoi et le comment du théâtre. Et cela pas de manière austère mais de manière ludique, agréable tout en présentant des démarches artistiques intéressantes et novatrices. Non pas élitistes mais un vrai théâtre populaire exigeant et surtout pas démagogique. Et puis c’est un beau pari que de confronter une envie artistique exigeante avec une réalité financière.