La prestigieuse exposition "Dürer et l’Italie", organisée par à la Scuderie del Quirinale à Rome, a pour thématique l'influence réciproque entre celui que l'on surnommait "le maître de Nuremberg" et les protagonistes de la Renaissance Italienne.
Dürer est allé à deux reprises en Italie, non pas à des fins touristiques, ni pour se conformer à la vogue du voyage en Italie, et notamment à Rome, comme étape quasi initiatique de toute carrière artistique.
Ses voyages étaient dictés par la grande soif de connaissance d'un humaniste soucieux de se perfectionner dans son art et d'en approfondir les arcanes, qui en fit un artiste emblématique de son siècle et de la Renaissance. Ainsi écrivait-il "A cette époque il m'eut été moins à cœur de voir des royaumes inconnus que de connaître ses théories (celles du peintre et graveur italien Jacopo de Barbari)".
Dès lors, son oeuvre a été profondément influencée ses contemporains italiens, notamment par Leonard de Vinci, Mantegna ou Giovanni Bellini, et Dürer a, ensuite, lui-même constitué une référence pour les artistes du Cinquecento comme Raphaël, les Carrache ou le Caravage.
Organisée sur deux niveaux, cette exposition, organisée sous la direction de la commissaire Kristina Herrmann Fiore, lui rend un bien bel hommage, intelligent par le propos et esthétique par sa scénographie.
Les salles ouvertes, en quinconce desservies par une travée centrale, mêlent le bois clair des vitrines en lutrin et le bordeaux, qui sied particulièrement aux gravures du premier niveau les gravures, ou le bleu pour les peintures du second niveau, des murs et pilastres à l'antique épuré.
Ce qui n'est pas le moindre de ses intérêts, elle présente un grand nombre d'oeuvres attestant de l'étendue du registre pictural de Dürer, davantage connu du grand public pour ses gravures, qui, des compositions religieuses aux allégories profanes, du paysage au portrait, de la gravure à la peinture en passant par l’aquarelle, dont il est le précurseur, a touché à tous les genres et usé de tous les médiums.
Enfin, elle montre que grâce à ses voyages, son syncrétisme artistique et la diffusion de ses gravures au travers de l’Europe, cet artiste a joué un rôle prépondérant dans le rayonnement du Cinquecento.
Les oeuvres sont présentées sur deux niveaux, regroupées, de manière très claire et didactique.
L'un traite de l'influence italienne structurée par thème comme le portrait, la peinture religieuse par exemple, une salle étant consacrée aux oeuvres de commande exécutées par Dürer pour le compte de l'empereur Maximilien Ier qui le nomma "peintre de la cour" et le dota d'une pension et de titres de noblesse.
L'autre est consacrée à l'influence de Dürer sur les évolutions picturales postérieures avec une salle consacrée à Fedrico Zuccari, le fondateur de la célèbre Académie San Luca de Rome.
De la tradition allemande gothique à la renaissance italienne
Parti donc, pour rencontrer Jacopo de Barbari, Dürer apprend les règles de la perspective des grandes écoles italiennes à la suite des recherches de Leon Battista Alberti, Mantegna et Piero della Francesca.
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Conscient du traditionalisme qui pèse sur la gravure en Europe du Nord, il confronte sa technique à la technique italienne plus expressive qui innove en matière de mouvement et de recherche des effets de lumière expérimentée là encore par Mantegna.
Il approfondit l'étude anatomique et l'art antique, qui connaît un regain d'attrait, à l'aulne de Leonardo de Vinci et des autres peintres qui maîtrisaient le traitement du nu.
Il s'initie au paysage et, surtout, découvre à Venise la peinture tonale, le rôle essentiel de la couleur et le naturalisme avec Bellini.
Dürer a su intégrer toutes ces influences créatrices dans son inspiration personnelle et dans sa propre palette.
Elles sont perceptibles dans ses gravures notamment dans les planches du cycle de la "Passion du Christ" commencées en 1497 et achevées en 1510 qui témoignent de l'évolution de son trait.
Et elles se retrouvent également dans les peintures éxécutées après son retour au pays.
Ainsi dans "L'adoration des mages" et " Le Christ parmi les docteurs" qui marqueront le début de l'âge classique de la peinture allemande.
Ou dans ce portrait de la jeune vénitienne qui ressemble à la soeur du jeune homme peint par Bellini.
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Dürer une influence majeure sur l'art italien
Le travail de Dürer a marqué l'art de la Renaissance d'une empreinte forte que l'on retrouve dans des courants picturaux même opposés tels que le maniérisme du Caravage et le néo-classicisme de l'école des Carraches.
Il est tout à fait singulier de constater comment un homme du Nord a pu si intensément influencer non seulement la Renaissance italienne dans toutes ses phases mais également la période qui suivit alors que le Rinascimento s'imposait dans tout l'art occidental.
L'exposition propose, par le rapprochement de certaines oeuvres, d'apprécier cette filiation spirituelle chez Andrea del Sarto, de Jacopo Tatti, Ludovico Carracci Guido Reni, Giovanni Battista Salvi et bien d'autres.
Comme par exemple dans "La vision d'Ezéchiel" de Raffaello Sanzio
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et au 17ème siècle ainsi "La mélancolie" par Domenico Fretti peinte en 1619.
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Cette exposition réunit des oeuvres venues, bien évidemment, des musées italiens, dont la célèbre Galerie des Offices de Florence, mais également des quatre coins d’Europe et même de New York est donc tout à fait exceptionnelle.