"La mort d'Akhenaton", à l'affiche du Théâtre du Nord-Ouest dans le cadre du cycle "Le cœur et l'esprit", est une tragédie antique se situant en Egypte. Dont l'auteur, contrairement à ce que l'on pourrait penser compte tenu de lé désaffection pour ce registre dramatique, est un contemporain pour qui l'écriture en vers ne constitue pas une source de difficulté.

Nous avons rencontré Jean-Dominique Hamel pour nous parler de cette gageure réussie, de la genèse de cette pièce et de ses motivations.

Vous ne serez pas étonné de ce que, compte tenu du sujet et du registre dramatique de votre pièce "La mort d'Akhenaton", beaucoup de questions commencent par un "pourquoi". Pourquoi écrire une tragédie antique se situant dans l'Egypte antique ?

Jean-Dominique Hamel : J'ai choisi d'écrire une tragédie antique se déroulant dans l'Egypte antique parce qu'il n'y en a pratiquement pas. Il y aurait un "Akhenaton" écrit par Agatha Christie qui serait, paraît-il, homophobe qui n'a jamais été réédité depuis édité en 1972 et on parle également d'Akhenaton dans "Moïse" la tragédie de Chateaubriand. En tout cas rien de comparable par rapport à l'antiquité grecque ou romaine, alors que cette époque sert de toile de fond à une tonne de romans, mettant en scène des personnages complètements romancés, comme ceux de M. Christian Jacq.

Comme l'histoire de cette période est encore peu connue, les auteurs de romans historiques ont donc une marge de liberté très importante par rapport, par exemple, à l'époque de Louis XIV pour lequel on dispose d'une documentation abondante et, face à un costume qui n'est pas d'époque dans un film, les historiens peuvent légitimement se mettre à hurler. Les différentes versions des faits résultant des hypothèses des archéologues laissent donc beaucoup de liberté.

Je me suis mis à écrire, à plus de 45 ans, suite à un concours d'écriture organisé par le Théâtre du Nord-Ouest pour la saison Corneille où, notamment, quelqu'un avait écrit la partie manquante d’une comédie que Corneille avait composé avec 4 autres auteurs, "La comédie des tuileries". Pour la saison suivante dans le cycle "Religion et spiritualité", j'ai eu l'idée d'écrire une pièce sur le modèle des tragédies du 17ème siècle dans lequel la religion était au centre de l'action.

Pourquoi une tragédie classique donc en vers ?

Jean-Dominique Hamel : L'écriture de tragédie classique a été abandonné au début du 19ème siècle quand les auteurs, après la découverte de Shakespeare, comme Hugo ou Dumas, même s'ils écrivaient encore en vers, ont pris plus de liberté avec les règles des trois unités en situant l'action sur plusieurs années, dans plusieurs lieux avec une plus grande richesse et fantaisie de décors alors que la tragédie classique se passe toujours dans la salle commune d'un palais avec trois colonnes où les différentes actions se rejoignent.

J'ai choisi ce registre parce que, ayant embrassé tardivement la carrière d'auteur dramatique, je ne voulais pas écrire dans un registre que tout le monde choisissait, celui de la pièce en prose. Comme dans l'opéra, qui est également une de mes passions, on a assisté également à la reprise de formes qui avaient été abandonnées depuis de très nombreuses années ce qui donne une très grande liberté de style et de formes. A cet égard, je cite souvent l'exemple du concerto grosso qui est un concerto à plusieurs instruments qui s'est développé à la fin du 17ème siècle avec pour sommet "Les concertos brandebourgeois" de Bach et ceux de Haendel. Cette forme a ensuite été abandonnée par Mozart et Haydn qui écrivaient des concerti pour un ou 2 instruments.

Et cette forme a été reprise à la fin du 19ème siècle avait une magnifique chef d'oeuvre au 20ème siècle avec le "Concerto pour orchestre" de Bela Bartok. Par ailleurs je n'ai pas voulu procéder "à la manière de"' en écrivant un pastiche comme "Célimène et le cardinal", qui en est une très belle illustration, mais davantage avec comme souci de reprendre une forme abandonnée pour de mauvaises raisons.Et la règle des trois unités ne m'a pas posé de problème.

Pourquoi le choix de ce personnage Akhenaton et de ce moment précis de sa vie qui est en l'occurrence les dernières heures qui précèdent sa mort ?

Jean-Dominique Hamel : J'ai choisi le moment de la mort d'Akhenaton à la lumière de découvertes archéologiques nouvelles s'appuyant sur des travaux récents, qui situait Akhenaton comme le contemporain du roi David qui a accédé au trône à une période où justement la politique extérieure de l'Egypte s'affaiblissait, et les tablettes d’El Amarna qui relatent les inquiétudes des vassaux du pharaon à la suite de la victoire des Habiru, les Hébreux.

J'ai voulu utiliser cette corrélation historique pour expliquer l'attentat qui a coûté la vie à Akhenaton par son souhait d'aller en Palestine de manière pacifique, chose inimaginable à l'époque, qui aurait pu engendrer l'idée de l'assassinat que j'ai retenu dans la pièce.

Donc vous proposez un scénario possible à partir de découvertes de faits nouveaux.

Jean-Dominique Hamel : C'est effectivement une période pour laquelle nous ne disposons pas de certitudes. Ainsi Néfertiti est-elle réellement la fille d'Ayi ou celle de Tiyi, Akhnaton et son père ont-ils régné ensemble 11 ans ou pas ? Car de cette réponse dépend la paternité de Toutankhamon qui est soit le fils soit le frère d'Akhenaton. La réponse à cette question de co-gérance me parait très importante car on a tendance à diminuer la responsabilité du très grand pharaon que fût Aménophis III dans l'hérésie d'Aton. Il y a cependant plusieurs éléments qui paraissant étayer cette co-gérance comme les représentations d'Aménophis III à Akhetaton sous le soleil d'Aton, les tablettes d'El Amarna envoyées à Louxor et Thèbes alors qu'Akhenaton avait fondé Aketaton.

Quelles sont les forces en présence et les raisons politiques, ou autres, qui ont concouru à fomenter l'assassinat d'Akhenaton dans votre scénario ?

Jean-Dominique Hamel : Il y a l'opposition véhémente de Ramsès qui deviendra Ramsès Ier, qui était le grand-père de Ramsès II, qui est très opposé à la religion monothéiste imposée par Akhenaton qui sent la résistance croissante du peuple à cette religion mais aussi son ambition personnelle et sa soif de pouvoir.

Il y a également la réaction face à l'affaiblissement de la position dominante de l'Egypte sous le règne d'Akhenaton, qui est obsédé par le développement de cette nouvelle religion, qui laisse péricliter les affaires de l'Etat. Il délaisse l'armée et les génaux craignent le surgissement d'autres pays et les menaces d'hégémonie. Il faut rappeler qu'à cette époque l'Egypte était la nation la plus puissante du monde. Horemheb, qui a repris le pouvoir et effacé toutes les traces de l'hérésie d'Akhenaton, était également une force d'opposition.

L'équilibre maintenu par Ayi, le grand vizir, le premier ministre, quand il faiblit face aux arguments d'Horemheb, rend l'attentat possible. Après la mort d'Akhenaton, il restera au pouvoir dans sa charge et après la mort du frère d'Akhenaton, Smengaret, et de son épouse, Smenkhare, la fille d'Akenaton, c'est Toutankhamon qui a régné. Ayi a épousé la femme de Toutankhamon et est également devenu pharaon pendant 5 ans. Et cette pièce réunit Akhenaton et ses successeurs sauf Toutankhamon qui était encre un enfant à cette époque.

Cette pièce avait fait l'objet de lectures mais pas de représentation et c'est aujourd'hui au Théâtre du Nord-Ouest dans le cadre du cycle Le cœur et 'l'esprit qu'elle est créée pour la première fois. Y a-t-il eu des adaptations pour la scène si l'on peut dire ?

Jean-Dominique Hamel : Les lectures avaient déjà permis de retravailler le texte dans une certaine mesure car elles m'ont permis d'entendre des choses que je ne n'arrive pas à constater dans une lecture même à deux. Par ailleurs, pour cantonner la durée de la pièce, j'ai resserré l'action en supprimant de longs monologues qui passent mal en scène et nous sommes passés de 2 000 à 1200 vers.

Quel est votre sentiment aujourd'hui quand vous assistez à la représentation ?

Jean-Dominique Hamel : En ce qui concerne ma satisfaction, si j'écris c'est essentiellement pour le plaisir du public. Je ne fais pas partie des auteurs qui se masturbent intellectuellement, tels des gens issus du théâtre qui écrivent des pièces pour les comédiens et pas pour le public, ce qui fait que les comédiens s'éclatent et que le public se rase. Ma satisfaction depuis la première, et qui était déjà présente aux lectures, est le plaisir ressenti par le public qui apprécie cette pièce. Car je ne pourrai pas écrire sans public.

Et "La mort d'Akhenaton" sera votre suele tragédie "égyptienne" ?

Jean-Dominique Hamel : Et bien on m'a demandé à plusieurs reprises, après les lectures et les premières représentations, ce qui montre également comment on travaille ici au Théâtre du Nord-Ouest en symbiose avec le public, qui est une richesse que l'on ne trouve peut-être pas dans d'autres salles, si j'allais écrire une suite à "La mort d'Akhenaton". Il y aura peut-être un jour une suite, mais pour le moment ce sera en fait un préquel. La pièce qui s'intitule "Aménophis III", et qui sera prochainement donnée en lecture, nous transporte dix années avant la mort d'Akhenaton, sur la 5ème année de son règne.

Après une période de maladie, il reprend de la vigueur et décide de changer son nom d'Aménophis IV pour celui d'Akhenaton, de supprimer toute tolérance vis-à-vis des anciennes religions et de transporter le gouvernement de Thèbes à Akhetaton. Donc 3 événements qui se déroulent le même jour avec une sorte de Saint Barthélemy car l'instauration du monothéisme s'est accompagnée de l'offensive des armées pour déloger des églises les prêtres soutenus par le peuple.

Avez-vous d'autres projets d'écriture ?

Jean-Dominique Hamel : Je suis un auteur amateur et donc je ne dispose pas suffisamment de temps pour me consacrer de façon intensive à l'écriture mais j'ai déjà commencé l'écriture d'une tétralogie dans le style grecque dont le premier volet sera un drame satirique avec une version de l'enlèvement d'Hélène de Troie qui se terminera avec le denier acte de la guerre de Troie, avec le retour d'Ulysse, une tragédie sur un sujet voisin de celui de l'opéra "Pénélope" de Gabriel Fauré.

Mais son écriture connaît quelques atermoiements car l'année dernière j'ai procédé au déchiffrage et à l'adaptation pour le théâtre de 2 textes anciens pour le cycle "Jeanne d'Arc et autres femmes". Et puis, en ce moment, elle est, pour l'instant, primée par la traduction d'"Henri VIII" de Shakespeare qui se jouera au Théâtre du Nord-Ouest dans le cadre du cycle qui sera consacré à cet auteur.