Pièce d'Eve Ensler, mise en scène de Caroline Loeb, avec Andréa Ferréol, Elodie Yung et Caroline Loeb (en alternance avec Stéphanie Bataille).

"Les monologues du vagin" se jouent dans le monde entier depuis sa création à New York en 1996 et à Paris sans discontinuer depuis juin 2000.

La distribution en a été et est toujours prestigieuse et le texte, un texte radical qui parle du sexe des femmes, de leur intimité et de la féminitude, reste toujours d'actualité, hélas tragiquement pour certains points.

A partir d’enquêtes et d’entretiens réalisés auprès de femmes de toutes conditions, de tous pays et de toutes générations, Eve Ensler a écrit cette pièce qui, comme son nom explicite l’indique, donne la parole au sexe féminin, un peu à la manière des "Bijoux indiscrets" de Diderot.

Le vagin exprime le moi intime de la femme dans ses plaisirs comme dans ses souffrances, face à l’ignorance de beaucoup de femmes quant à leur propre sexe et à son asservissement au désir et au plaisir mais aussi face à la survivance d’une sorte de diabolisation, résurgence des siècles d’obscurantisme qui justifie la barbarie au quotidien.

A l’époque de la téléréalité et du grand déballage en public de la vie privée, on pourrait penser que ce texte perd de son acuité. Et pourtant en ce qu’il verbalise la parole des femmes, transmet leurs témoignages anonymes, il demeure un texte intemporel.

Sur le viol au quotidien, pratiqué principalement par des hommes de l’entourage de la victime, et la mutilation sexuelle des femmes, le simple énoncé des chiffres est éloquent. Le monologue à 3 voix, dans la pénombre avec la seule lumière des photophores, petites lumières symboles des âmes mortes, sur les conséquences du viol pratiqué comme tribut de guerre dans les conflits ethniques fait frémir la salle.

Face à ce noir constat, il y a heureusement de beaux moments solaires, joyeux, drôles et émouvants.

Caroline Loeb, qui a déjà joué cette pièce, revient la servir à nouveau en tant que comédienne mais également que metteur en scène. Elle a choisi un petit décor 19ème, une table à rabat, un châle rouge posé négligemment sur l’une des trois chaises, un service à eau, trois photophores, comme pour éviter tout pathos tout en rappelant que ce qui va suivre, ce qui va être dit, se passe bien aujourd'hui même dans le confort douillet de notre civilisation.

Par ailleurs, elle a opté pour une mise en scène dynamique et vivante adaptée aux trois comédiennes, trois femmes aux couleurs différentes : l’exubérance charnelle d’Andréa Ferréol sied aux monologues de la femme fontaine et la découverte du plaisir de la gémisseuse, la gouaille impertinente de Caroline Loeb ravit le public quand elle narre l'expérience de l'atelier du plaisir et les colères du vagin et la douceur juvénile d’Elodie Yung à l'évocation des fantasmes masculins.