Jean-Louis Costes est sans aucun doute un personnage hors du commun. Ecrivain, musicien, il est aussi performeur dans un registre dont il est le créateur et le seul représentant, l’opéra porno-social.

Encore que, ce soir au Point Ephémère il officie avec la jeune Lisou Prout qui paraît bien être une disciple à la mesure de sa démesure.

"Les petits oiseaux chient" est sa dernière oeuvre en date. 40 minutes de chant et actions sur musique enregistrée pour un livret banal racontant l'histoire d'un couple d'amoureux pour qui tout merde : la vie les broie, les mène au vice, ils en meurent et tombent en enfer. Les interprètes : Jean-Louis Costes lui-même et l'hystérique rock Lisou Prout.

A la manière d'un Schwab hyper réaliste, Costes dénonce le nauséabond par l'indicible, l'horrible par l'horreur, bref la merde par la merde.

Quand ils montent sur scène, immédiatement quelqu’un crie "A poil !". Dérisoire. Qui ne sera pas relevé. Et qui sera la seule manifestation verbale de la soirée.

Car face à ce déferlement apocalyptique sur scène qu'est Costes en transe cathartique et au bulldozer trash de Prout la salope, personne n’osera en découdre.

Dans la salle, un public nombreux et très éclectique, du costume cravate au gothique, du soixantehuitard au triangle branchouille oberkampf-parmentier-ménilmontant, du bohême chic au loulou crado. Personne ne mouftera.

 

 

 

 

 

 

Médusés, amusés, fascinés ou béatement souriants, tous sont silencieux. On a l’impression d’assister à la célébration d’une messe païenne. Et c’est sans doute proche de ça aussi parce Costes se crucifixie à chaque fois.

C’est dans un quasi silence religieux que se déroule la performance que chacun reçoit comme un uppercut qui coupe le souffle.

Jean-Louis Costes et Lisou Prout, grimés comme les beaufs de Cabu, commencent par une mise en bouche bucolique avec les oiseaux qui font cui cui pour finir en une ode à la merde.

Car mais aussitôt pan sur le bec ou plutôt sur la gueule car les oiseaux font aussi caca !

Ensuite tout s’enchaîne très vite sur une partition musicale noisy du crû Costes himself balancée à fond les manettes pendant qu’il chante avec Lisou Prout qui hurle à s’en décrocher la mâchoire, avec micro au cas où on n’entendrait pas bien. Pour entendre, on entend ! On entendrait même une mouche péter !

Les amoureux sont heureux, pratiquent les joies du sexe même à piles avec une perceuse customisée maison à faire saliver les masochistes.

Normal ça débouche sur un bébé piaillant dont la quéquette en knacki va connaître les joies de la circoncision. Mais le bébé pleure ; et le bébé est pas gentil, le bébé sera puni par une décapitation fulgurante.

Puis ça part en couilles et en transe. Lisou Prout est une punk déjantée capable de tout.

Costes pleure sur sa maison détruite par un avion, appelle à la guerre avec Lisou en tchador, scande un miserere deus, mime le christ sur la croix qui supplie qu’on lui donne une paille parce qu’il ne peut pas boire à la canette, harangue le public en parlant de sa femme qui le filme….

Et finalement, tout conduit à l'enfer.


Quelle dette Costes expie-t-il par cette crucifixion publique ? Ils finissent à poil tous les deux et tant mieux vu ce qu’ils se balancent dans la tronche mais cela ne revêt aucun caractère excitant. Elle avec ses petites lunettes arty et ses chaussettes, lui si maigre, la peau sur les os.

Quand le show s’arrête, les applaudissements fusent, nourris, mais très vite le public quitte la salle. Seules quelques connaissances restent pour discuter avec les deux artistes qui continuent à se balader à poil comme si de rien n’était.

C'était donc rien ?