Aller aux Trans Musicales n'est pas comme aller à un festival ordinaire. Il fait froid dehors, il fait nuit et souvent il pleut. Pourtant une fois dans la salle, comme ce jeudi au Liberté, tout s'illumine et le voyage à travers le monde commence. Et dès le premier concert, le ton est donné : les découvertes, souvent pour la première fois en concert en France comme l'excellent duo berlinois Afar qui ouvre le long week-end, vont s'enchaîner de la fin d'après midi au petit matin.
Impossible de tout décrire mais comme à l'accoutumée, listons les coups de cœur de cette année, toujours dans le registre le plus rock de cette programmation tellement éclectique.

C'est donc durant ce jeudi soir bien rempli que l'on commence avec la première sensation de l'année avec les Martin Dupont. Ceux qui seraient peut-être devenus cultes s'ils étaient nés à Rennes rattrapent le temps perdu, accompagnés par Ollivier Leroy, figure bretonne, en conviant tous les nostalgiques de cold wave (et de Joy Division) à une messe électronique dans ce hall 4 bien rempli. Le leader du groupe, devenu chirurgien à Marseille à la fin des années 80, savoure le succès et la reconnaissance tardive.
Comme toutes les fins d'après-midi, rendez-vous obligatoire le vendredi au Liberté où les très bons concerts gratuits se succèdent dans une ambiance de ruche entre les médias qui y ont leur QG et les visiteurs / promeneurs rennais qui peuvent, entre deux achats de Noël, assister à ces spectacles dans de superbes conditions. Et c'est un moment de poésie que le public pourra découvrir ce soir là avec un autre duo, espagnol cette fois, Lofácil.
Leur matériel ayant été égaré dans le transport, ils se présentent avec des instruments de rechange et des vêtements de secours pour offrir pendant une petite heure un spectacle d'une rare élégance, une pop électronique portée par la sublime voix de Maria, enchantée de se produire sur une telle scène. Le groupe, qui s'applique à voyager et restituer le son des endroits où ils enregistrent, fera l'unanimité dans la plus grande salle de spectacle de Rennes.

Suivra une soirée exceptionnellement rock au Parc expo avec en premier lieu le très attendu Ssadcharlie qui n'a pas déçu avec un mélange rap / rock venu de Bristol. Plus punk que rap, naviguant tout en désinvolture sur la scène richement éclairée, il alterne entre chansons détonnantes et solos scandés. Les titres comme "wat u sayin" ou "focus" sont des tubes instantanés que l'on risque fort de retrouver cet été un peu partout en Europe.

Pour succéder à la première révélation, c'est un groupe mexicain qui se prépare dans une superbe mise en scène sur un thême futuriste assortis en costumes de spationautes. Parfait sur scène comme sur disque, ils font partie des groupes que l'on ne reverra peut être pas rapidement en France mais qui fait le charme du festival. C'est malin, remuant, avec de petits interludes pour gérer les machines devant un public qui ne s'y trompe pas en remplissant le hall comme rarement dans la chaleur de la nuit naissante en attendant les Anglais de My First Time, nettement moins déjantés que prévu et qui proposeront un rock anglais un peu trop classique.

En toute fin de soirée, les excellents néérlandais de L.A. Sagne remontent le niveau sonore et se déchainent à coup d'hymnes punk rock avec le tonitruand "I'm a girl" à ne pas manquer. Classique combo hyper efficace mené par la chanteuse Tara Wilts soutenue par un cowboy irrésistible. De quoi bien terminer la soirée dans ce hall décidément très chargé en guitares.

Dernier jour le samedi et sublime ouverture du Parc expos : alors que les fêtards arrivent au compte goutte, le hall 4 est déjà bien rempli de mélomanes attirés par la découverte des eat-girls pour une version exceptionnelle en sextet de ce jeune groupe déjà entrevu à la Route du Rock. Mélodies éthérées, instruments atypiques qui s'échangent, se mixent, pour un passage hors du temps qu'on a du mal à quitter pour continuer la longue nuit. Le grand coup de coeur du festival, assurément.
Après quelques visites des autres halls avec de grandes difficultés pour aller dans le grand dancefloor du samedi soir, déjà très fréquenté en début de soirée, retour à un rendez vous attendu avec les Allemands de Grenzkontrolle.
Originaires de Cologne, sensibles aux problèmes sociaux de leur pays, ils ont l'originalité de proposer leur punk-rock en allemand sur des rythmes très cold wave. Le concert est un peu bancal, tout n'est pas carré mais l'énergie de Don L. Gaspár Ali l'emporte pour un des derniers spectacle de la soirée.
On terminera le festival avec le trio improbable Dolphin Hyperspace qui représente sur le papier un mélange indigeste de basse associée à un saxophone mais qui, sur scène et avec le talent des interprètes, parviendra à tenir le public en haleine devant une telle maestria à tout allure. Quant aux Holiday Ghosts, passionnants sur disque, ils s'avéreront un peu fades avec leur pop délicieuse mais en programmation un peu tardive devant un public moins attentif. Il faudra sans nul doute les revoir dans de meilleures conditions.

C'est déjà fini. Après trois longues nuits dans le noir pour voyager de continents en continents, de kraut rock à techno hypnotique en passant par la pop la plus délicate, il est toujours difficile de quitter ces salles, ces moments, ces découvertes, où le talent de programmation permet aux festivaliers de naviguer dans les trésors de tous les styles de musiques actuelles. Rendez-vous l'an prochain, sans aucun doute.
Crédits photos : Frédéric Villemin (retrouvez toute la série sur Taste of Indie)
