Le nouveau disque de Tortoise nous replonge de nombreuses années en arrière quand, entre 1994 et 1998, le groupe de Chicago sortait 3 disques aussi phénoménaux que fondamentaux (Tortoise en 1994, Millions Now Living Will Never Die en 1996 et TNT, leur chef d’œuvre en 1998).
En trois disques, en pleine mode grunge, ils participent à la naissance du post-rock, redéfinissent une autre façon de faire une musique purement instrumentale, de faire sonner les guitares, d’utiliser leurs textures, de mélanger Krautrock, dub, noise, jazz, ambient et électronique britannique. Une musique dingue, cérébrale mais ouverte à tous, immersive.
Le reste sera moins (Standards en 2001, The Catastrophist en 2016), voire beaucoup moins (It's All Around You en 2004 ou Beacons of Ancestorship en 2009) intéressant.
Point de révolution dans ce Touch, mais une recette bien (trop peut-être) huilée. Pas de révolution mais une évolution, le groupe a quitté le label Thrill Jockey (alors que les deux étaient intrinsèquement liés) mais reste à Chicago pour rejoindre l’excellent label International Anthem. La formation continue de s’appuyer sur les individualités de chacun : John McEntire, Jeff Parker, Doug McCombs, John Herndon, Dan Bitney séparés géographiquement (entre Chicago, Los Angeles et Portland) mais réunis dans l’acte créatif, enregistrant à distance ou ponctuellement, lorsque Tortoise avait les moyens de se réunir.
On retrouvera ce mélange, cette hybridation des styles, le travail sur les textures et les carrures, la fluidité, la précision. Le groupe fabrique des archipels, des grappes, des boucles de lignes mélodiques ou rythmiques, l’évolution structurelles est constante, rappelant les musiques répétitives. Il est pointilliste dans l’utilisation des riffs, on portera son attention sur ce bouillonnement, sur ce fourmillement presque, sur ces touches de timbres ou de rythmes comme des touches de couleurs.
Touch n’est pas forcément le disque le plus abouti de Tortoise même s'il recèle de beaux moments ("Layered Presence", "Works and Days", "A Title Comes", "Oganesson"). Mais c’est peut-être dans les nombreux remixes justement de "Oganesson" (ne jamais sous-estimer les remix chez Tortoise !) et dans les différentes variations qu’ils proposent que l’on trouvera le meilleur de ce que peut proposer le groupe en 2025.
