Réalisé par Kirill Serebrennikov. Biopic, Drame, Historique. 2h 16 minutes. Sortie le 22 octobre 2025. Avec August Diehl, Maximilian Meyer-Bretschneider, Friederike Becht.

Depuis "Leto" (2018), chaque film du génie-dissident russe Kirill Serebrennikov est un événement. Il fait partie des réalisateurs qui permettent de perpétuer l'idée chère aux critiques qu'il y a des "auteurs" parmi les cinéastes. Ils ont donc vanté, parfois survanté, "La Fièvre de Petrov" (2021), "La femme de Tchaïkovski" (2022) et "Limonov" (2024).

Comme ce dernier film tiré d'un livre d'Emmanuel Carrère, "La Disparition de Josef Mengele" est tiré d'un roman français, cette fois d'Olivier Guez qui obtint le prix Renaudot pour cette évocation d'un criminel de guerre nazi.

L'idée, une fois encore, d'être dans la peau d'un salaud ne sera peut-être pas du goût de tout le monde. Et Josef Mengele est un vrai salaud, un "médecin de la mort" célèbre pour ses "expériences" aussi sadiques qu'inutiles sur des prisonniers martyrs du camp d'Auschwitz-Birkenau.

Ce qui intéresse particulièrement Guez et Serebrennikov, c'est le moment où le régime nazi s'écroule et comment Mengele, surnommé "l'Ange de la mort" devient un fuyard, en perpétuel cavale en Amérique du Sud, craignant après l'enlèvement et l'exécution d'Adolf Eichmann de subir le même sort. Au brillant docteur fier de son sale travail succède un homme traqué, paranoïaque, halluciné, apeuré par l'idée de tomber dans les mains du Mossad.

Evidemment, la virtuosité de Serebrennikov est là, le personnage de Mengele est campé à la perfection par August Diehl, bien connu internationalement depuis "Inglorious Basterds" de Quentin Tatantino. Le film sait montrer ses muscles, ses recherches formelles et rappelle les atrocités commises par le régime hitlérien.

La question qu'on se pose assez vite est de savoir ce qu'apporte le cinéaste russe à une histoire qu'on connaît désormais par cœur. On sait depuis longtemps que le patronat allemand et les milieux d'affaire, dont était issu Mengele, ont été non seulement impliqués dans le régime nazi mais ont pu aider jusqu'au bout les réprouvés partis pour l'Amérique du Sud.

Serebrennikov, en bon patriote russe malgré ses désaccords avec Poutine, se retrouve avec lui dans son antigermanisme viscéral. Du régime national-socialiste à la RFA, les citoyens allemands ne changent pas beaucoup. Quant au fils de Mengele, Rolf, il ne sort pas indemne de ses rencontres avec son papa vieillissant mais jamais repentant...

Objectivement, "La Disparition de Josef Mengele" n'est pas le meilleur film de Kirill Serebrennikov. Il souffre la comparaison avec ce qu'aurait fait Rainer Werner Fassbinder ou du film qu'aurait pu tourner Werner Herzog avec son complice Klaus Kinski dans le rôle-titre...
D'ailleurs, quelque part, August Diehl a pu s'inspirer de l'acteur d'Aguirre.

Incidemment, il faudrait aussi reprocher à l'entreprise de Serebrennikov, des parti-pris douteux ou peu puissants, comme quand il quitte son beau noir et blanc pour instaurer un technicolor 'kitsch" et esthétisant pour les scènes évoquant les camps et les activités malfaisantes de Mengele.

Le film a été présenté en septembre à "L'Etrange Festival" et, finalement, il y avait une place légitime, celle d'une œuvre qui paraîtra bizntôt une curiosité traitant les camps et les nazis comme s'il avait été tourné avant que "Shoah" de Claude Lanzmann n'impose à jamais la vérité de sa version filmée des camps.