Eiffel est de retour, cinq ans après Stupor Machine. Tu avais déjà commencé une tournée solo et la fin de la tournée d'Eiffel est venue se mélanger au milieu avec le report du Trianon. Tu reviens maintenant avec le nom Eiffel.
Romain Humeau : : Mon truc, c'est d'écrire des chansons. Les sortir, que ce soit Eiffel ou Romain Humeau.
Puis ça fait un moment que je m'entends dire, mais Romain, pourquoi ça s'appelle Romain Humeau alors que ça sonne comme Eiffel, ou pourquoi ça s'appelle Eiffel parce que ça sonne comme Romain Humeau.
On est donc plus en présence d'un projet que d'un groupe ou quoi que ce soit. Avec une nébuleuse, avec des gens qui sont toujours là. Et voilà, on a un projet que je mène ! La plupart des gens vont me dire : "ouais, mais what the fuck ?, ça a toujours été ça !"
Il y a eu l'album d'Eiffel, Stupor Machine, ton album solo Echos et après, une pause. Déménagement, création du studio... Tu m'avais parlé que tu avais 80 chansons à un moment.
Romain Humeau : Ouais, bah là maintenant je n'en ai plus.
Comment as-tu choisi celles qui iraient dans l'album, celles que tu garderais peut-être plus tard ?
Romain Humeau : Ce sont des histoires de types de chansons. Là, il y a 18 chansons qui sont enregistrées pour La peur et le vent. On en a mis 14 sur le disque et il y a 4 inédits.
Et ce sont des types de chansons, le caractère des chansons, qui contiennent une part de soul, ce qui est assez nouveau quand même, hormis je dirais la chanson "Cascades", dans Stupor Machine ». Il y a "You Waste Me", "Luxe Calme et Volupté", "Skin On Skin", "Save Me"... Je dirais une part de "Plaie Divine", ou encore "Abracaputana" qui ont vraiment un côté soul, et puis grande variété américaine pop.
Et par contre, j'ai fait d'autres compos... J'ai eu toute une période à fond Michael Jackson, donc je les ai ces chansons, elles sont là ! Mais je suis en train d'en revisiter certaines. J'en ai écrit d'autres pour le prochain album que je vais commencer très vite, dans un ou deux mois, et qui lui va être plus violent. Je suis trop content de La Peur et le Vent dans ce que ça propose...
Justement, c'est large au niveau des sonorités...
Romain Humeau : Ouais, c'est très large, et assez pop, grande variété pop-rock, tu vois ce que je veux dire, je n'ai pas de problème avec ça, dans le sens de "Let's Dance" ou de "Personal Jesus" ou ce genre de trucs. Et le prochain sera peut-être un peu plus noise, mais pas forcément avec des guitares. Il y aura pas mal de synthés !
J'ai beaucoup parlé, notamment à des gens comme toi, pendant toutes ces années, que je voulais faire ci, que je voulais faire ça, etc. Mais je l'ai pas fait en fait, je n'ai fait qu'ouvrir ma gueule, mais maintenant j'ai envie de le faire, voilà !
Et ce n'est pas évident de sortir un disque ! Il suffit de demander à tous les gens avec qui on travaille... Putain, un disque c'est quand même que 14 chansons, ça va ! Mais avec tout ce qu'il y a autour du visuel, du marketing, du truc, des timings, ça devient un empire alors qu'en fait, c'est que 14 chansons, c'est ridicule quoi ! Enfin moi je trouve !
Donc il va falloir aller plus vite, de mon côté, pour faire les disques. Ça ne veut pas dire bâcler ! Ça veut dire être encore plus performant et encore moins dormir !
C'est un disque "bâtons dans les roues", il est quasiment produit comme ça se faisait dans les années 80, c'est-à-dire avec une dizaine de musiciens, donc ce sont des instruments, ce sont des allers-retours, c'est à manger, ce sont des cachets, ce sont des partitions, c'est fou... C'est un empire et on le fait nous-mêmes, mais comme si on avait un manager, un manager cocooning, une sorte de chef de projet in situ qui gère les lits, les instruments, l'accord de la guitare, l'achat de cordes, ça paraît con...
Mais il est fait comme ça, vraiment ! Encore plus à l'ancienne, et moins dans l'idée du groupe, même si c'est un groupe, je peux te dire que c'est très resserré l'équipe, on se connaît très bien ! Il y a Nicolas Bonnière, Estelle Humeau, Joseph Doherty, Hugo Cechosz, Fred Vitani d'Oobik and the Pucks, Salomé Humeau, Guillaume Marsault. Et ce qui ne veut absolument pas dire que Nicolas Courret ne sera pas là un jour... c'est juste qu'on a commencé l'album comme ça et ça ne s'appelait pas Eiffel.
D'ailleurs, je te le dis franchement, je ne savais pas si ça s’appellerait Romain Humeau ou Attila, un nouveau projet, et là tout le monde m'a dit, tu n'es pas Damon Albarn, tu es chez les Pécores, tu es en France, on est chez les Conos quand même, et c'est très difficile. Ça ne sert à rien de faire 10 projets. C'était mon rêve d'avoir 10 projets, de me balader au milieu des projets. Tu peux le faire, mais le disque tu le donnes à ta mère !
Donc c'est ça qu'on s'est dit, on me l'a dit et je n'ai pas accepté pendant 3 mois. J'ai dû vraiment baisser ma garde et dire : "OK, vous avez raison, on y va". Mais à la fin, c'est moi qui ai pris la décision, je l'assume totalement, j'en suis content, faisons simple ! Effectivement, cette nébuleuse qui contient pas mal de gens, elle sera mouvante maintenant ! C'est pour ça que maintenant, ce n'est pas que je vais être plus mis en avant, parce que j'ai toujours été mis en avant du fait que je suis chanteur, mais que l'image est moins groupe qu'elle ne l'a été, c'est tout, mais il y aura des photos avec les gens avec qui je travaille, et j'en serai très heureux !
Je m'en fous de moi, par contre il y a un truc que je défends comme une chienne avec ses chiots, ce sont les chansons, si on me dit qu'elles ne peuvent plus exister, je prends le truc qui les feront exister, c'est très simple ! Tu as beau être poéto, artisto, ce que tu veux, il y a un moment donné aussi le côté ouvrier, de dire OK, est-ce que ça peut fonctionner ? Ça fonctionne, on fait ça, et c'est très bien, ça s'appelle la réalité.
On retrouve Guillaume et Hugo qui avaient été sur ton album solo.
Romain Humeau : Oui, il y a une sorte de croisement, à la base ce sont mes chansons, c'est moi qui les ai écrites tout seul, et encore je suis de trop comme je dis à chaque fois ! Effectivement, il y a un gros lot de chansons qui existent, mais le prochain album fera 12 titres, et ça va se faire comme ça mais dans une esthétique que je n'ai jamais faite encore.
Le premier single "Interstellar" me fait beaucoup penser à Stupor Machine.
Romain Humeau : Je n'avais pas pensé à ça, un peu à "Cascade"... Si on parle de musique, par exemple, "Skin on Skin", on pourrait dire que c'est "U - Mass" des Pixies, mais c'est aussi "Stay" de David Bowie, sur "Station to Station". En fait, j'essayais de faire un pont comme ça, ça emprunte même des bouts de texte : "j'entends au lointain comme des mandolines", il y a ça dans "Wild is the Wind", que chantait Nina Simone pour le film du même nom. Et ça pour moi c'est nouveau, de mettre cette cul-cul pralinerie là, au milieu de quelque chose d'assez sexe que j'ai pu faire... tu sais le sexe de plein air, l'amant de Lady Chatterley que je cite souvent, c'est-à-dire l'inverse de la ville, bien sûr il y a un rayon soleil, un champ de blé et un cul qui se lève... J'aime bien chanter ça de manière très romantique, j'aime bien parce que ça remet un peu de vie à l'endroit où il n'y en a quasiment plus !
Hugo Cechosz a été vraiment très partie prenante dans les prises de son. Dès la prise de son, je lui avais parlé, je lui avais dit : "tu sais, j'aime beaucoup ce que faisait Nile Rodgers, quand il a produit "Chic" ou "Let's Dance", David Bowie, ce sont des choses maintenant qui ne sont pas considérées comme ringardes, parce que c'est toujours un gros carton : tu mets "Let's Dance" en soirée, tout le monde bouge son popotin et ça va bien, et le son est énorme ! C'était très réussi ce moment des années 80. Années 80 qui ont été très critiquées à juste titre... Mais le démarrage, 1980 / 1982, on a "Thriller", on a "Let's Dance", on a des grands disques qui sortent, et cette prod là, je trouvais qu'il y avait quelque chose de proposé, qu'on aurait pu s'engouffrer là dedans mais c'est parti ailleurs, c'est parti dans Culture Club et Spandau Ballet mais ça aurait pu aller ailleurs !
Avec Hugo, on s'est dit, repartons de là ! Sur les batteries de Guillaume, qui ont été jouées dans l'esprit, donc très à la note, très très fort, ça a tapé, on a éclaté les caisses claires... Hugo est très partie prenante dans le son du disque, je trouve, aussi par son jeu de basse. Je suis très content d'avoir tenu le cap !
Il faut dire que ça tombait à une période... quand ça commence le disque, on est encore dans le Covid, et on se prend une catastrophe naturelle. On a fait deux ans et demi de travaux avec Estelle sur un studio qui fait 250 mètres carrés, une sorte de studio des Romano version death ! Et on se prend une catastrophe naturelle, ce qui nous retarde de 6 mois, on continue à enregistrer, je commence même à éditer tout ça et j'avais le parquet qui était à moitié démonté pour le refaire, et ça nous a retardé, et donc sur la fin, l'idée du début, il ne faut pas la perdre, parce que tu as envie d'autre chose. En ce moment, j'ai envie carrément d'autre chose, je suis plus dans Nine Inch Nails et Depeche Mode, tu vois ces chansons là, un peu plus dures, un peu plus froides...
Je me suis dit non, tu mixes dans l'esprit dans lequel tu avais prévu ! De toutes les chansons, celle à laquelle je tiens le plus, c'est peut-être celle dont les gens parleront le moins, c'est "Save Me", c'est vraiment là où je voulais être, en texte, harmoniquement, et en idée de presque funk, et c'est très excitant aussi à jouer, alors pas sur scène, parce qu'on l'a pas encore joué, mais on l'a répété...
Oui, vous avez repris les concerts la semaine dernière, ça s'est bien passé ?
Romain Humeau : C'était pas mal, on a essuyé les plâtres, ce n'était pas parfait loin de là, mais disons qu'il y a un très gros potentiel, et on n'est qu'à 40%, mais c'est déjà pas mal à 40% !
Mais ce que j'ai dans la tête, et même ce qu'ont les copains dans la tête, ce n'est pas ça. Vu l'âge, vu l'histoire, le répertoire, c'est l'enfer ! Je te montre les setlists... entre jouer un peu des anciens, de Eiffel surtout, mais aussi de Romain Humeau, faire une ou deux reprises, et jouer pas mal de nouveaux, parce que moi ce qui m'intéresse, c'est demain. Ça n'a aucun intérêt de parler du passé, on peut parler du passé, si on le réaménage, ce qui est le cas sur "Place de mon coeur". "A tout moment la rue", je vais en faire la "version oui"... c'est la version power ! "A tout moment la rue", c'est une chanson un peu paysanne à la base, elle est douce en fait, et puis elle monte petit à petit, c'est comme ça qu'elle a été aimée, mais j'ai envie d'en faire une version un peu stade, et maintenant, on l'a !
J'aime bien aussi, en réécoutant un peu certains trucs de Mc Cartney, de Bowie, ou de Depeche Mode, mais aussi des trucs actuels comme Arlo Parks ou Kendrick Lamar, de laisser un peu plus de place aussi aux instrus, c'est-à-dire qu'il y ait la voix, et puis un peu de respiration instrumentale aussi, et cela donne vachement de largeur aux chansons en fait, ça c'est un truc que je n'avais pas trop capté. Souvent, il faut faire des chansons courtes, autrement les gens zappent, donc en fait il n'y a que de la voix tout le temps, ben non, tu rallonges un peu, et tu laisses du temps pour les instruments, et comme ça, la voix se fait attendre comme un préliminaire, tu remets un peu d'érotisme dans les chansons... Je renoue avec ça, voilà.
C'est vrai que pour faire la setlist, en partant d'Oobik jusqu'à maintenant...
Romain Humeau : C'est l'enfer ! Alors je le livre, c'est un scoop pour Froggy's Delight (rires...) : il ne manque plus que 3 chansons à travailler, qui sont "Il pleut des cordes", "Tandoori" et "Echos". On en a 27, il en manque 3 pour faire 30 ! J'en joue aussi deux seul, et il y a un troisième truc qui durera 6 minutes, mais qui comprendra 30 chansons, un medley !
Donc il va y avoir un medley, j'aimerais vraiment faire du hardcore japonais, que ce soit des séquences de 5/10 secondes, où les gens ont entendu dans la soirée 23 chansons, dont une qui contient 30 extraits, pour moi la théorie de la réminiscence fait que les gens sortent du concert et disent, j'ai entendu 60 chansons !
La dynamique risque d'être assez chouette en live, j'espère... c'est-à-dire qu'on a toujours fait ça en live, ça descendait sur "Je voudrais pas crever"... "Tu vois loin" quand on le jouait, ça tombait, là "tu vois loin", on descend, très très cool, très très doux. Par contre, c'est joué très très fort !
En ce moment, je ne sais pas pourquoi, je ne jure que par Depeche Mode, c'est bizarre... C'était le truc que je détestais quand j'étais gamin mais c'est un groupe assez génial, avec un putain de chanteur.
On fait une résidence en janvier. Donc toute la tournée d'automne, on fait des bons concerts, c'est cool, c'est rock'n'roll, on place les trucs, on essaie toutes les chansons, ça va nous faire faire des setlists chaque fois différentes, ça j'y tiens énormément...
C'est pour que tout le monde revienne chaque soir...
Romain Humeau : Déjà ! Non, ce que j'ai noté, c'est qu'au bout d'un moment, tu stabilises sur 18 titres, et tu fais ça pendant un an et demi, je ne veux plus ça ! Parce qu'à 54 berges, la grande peur, c'est de dire on prend les vieux de la vieille et on recommence... Je ne veux pas du tout ça. J'ai dit à tout le monde : on a 14 ans, on n'a jamais bossé ensemble, et c'est tout nouveau pour tout le monde ! Donc il faut créer le terreau, pour que ça soit effectif ! Ce n'est pas créer du danger ou quoi que ce soit mais ce n'est pas évident ! A Lorient, on va jouer "Chanson trouée" et "You waste me". Le lendemain, on joue "Luxe calme et volupté" et "Or" à la place, avec des basiques, des chansons qu'on jouera toujours, c'est normal...
Au départ ça va être difficile, on va se toler mais je trouve que ce n'est pas une histoire d'honnêteté, mais de se dire, je suis là, je suis obligé d'être présent, sinon ça se casse la gueule, et petit à petit ça va se stabiliser. Si tout le monde a 32-33 titres dans la tête, avec ce que ça comporte de son, Estelle a une place au clavier très importante en live, il va y avoir plus de clavier, et moins de guitare parfois, et quand les guitares viennent, j'aimerais qu'elles soient plus abrasives, mais il y en a moins, et ça m'excite énormément, c'est important quand tu dis que t'es excité, c'est que tu es au bon endroit !
Sur scène, tu repars avec la même équipe ?
Romain Humeau : Quasi, pas exactement, il y a Guillaume Marsault à la batterie, Nicolas Bonnière à la guitare, Estelle au clavier, un peu à la guitare aussi, comme le Eiffel des années 2000, qui était pas mal aussi, Estelle à la guitare c'était cool ! J'ai envie parfois de ne pas jouer de guitare. Il y a un nouveau, un ami d'enfance, Christophe Barthares à la basse, ce n'est pas Hugo qui part avec nous. Il en était question, on aurait tous adoré, lui aussi, mais c'était trop pour lui. Il a d'autres choses à faire sur Paname, et assurer une tournée...
La tournée, ce n'est pas sûr à 100%, mais il se peut qu'elle fasse entre 80 et 100 dates, donc 150 jours sur la route.. Hugo tient un gros studio à Montreuil, il a des projets de jazz, il est dans une autre période dans sa vie. Par contre, c'est quelqu'un qui fait partie d'Eiffel, il a fait partie d'Eiffel à la basse, il a joué les basses du dernier, ce ne sera pas lui sur scène mais pour le prochain album, peut-être qu'on le fera ensemble pour l'enregistrement, si ça se trouve, demain il sera à la troisième guitare... C'est un poto, c'est mon frère Hugo, c'est vraiment un mec super !
Au tout début, je te parle en 98, ce n'était pas vraiment le but, je venais avec mes chansons, donc je composais, j'arrangeais tout ça, puis je voulais les présenter sous forme de groupe, et très très vite, au bout de 3 ans ça a bougé, parce que la vie, parce que des gens se barrent, des gens reviennent, des gens arrivent, etc.
Alors qu'en fait, dès 2002, ce n'était pas du tout le même line-up. Effectivement, de 2009 à 2019, il y a eu à peu près le même truc, mais c'est très peu de disques, ce sont 3 disques sur 9 ans, 3 disques d'Eiffel, et 4 disques de Romain Humeau, donc à la fin, c'est ce qu'on constate. Je n''aime plus l'utiliser, mais il y a aussi la notion du truc tribal, c'est-à-dire, tu fonctionnes comme je pense qu'il faut faire pour vivre maintenant, pour vivre, pour manger, pour boire, pour se chauffer, etc., je crois beaucoup en la tribu, c'est-à-dire il faut absolument que les gens vivent en communauté, mais je pense qu'il faut que ce soit des petites communautés, parce que dès que c'est à échelle de la ville, le vivant est trop loin. La ville, c'est génial à la base, moi je suis pour que les gens vivent ensemble, le hameau ou ce que tu veux, mais ce sont des gens de la même espèce animale, des êtres humains qui sont ensemble, sur un territoire assez small, et du coup qui peuvent avoir accès au vivant, donc au poireau, au bois, ils s'en nourrissent et se chauffent avec.
C'est pareil pour le rock'n'roll, ou pour l'idée d'un orchestre, même de musique, que ce soit de la musique classique ou de jazz, c'est-à-dire qu'on n'est pas obligé, ça peut être mouvant, mais l'épicentre reste le même.
Comme tu le dis, il y a un peu tout le temps les mêmes personnes, mais ça peut bouger, et ça échange entre eux, je fais en sorte aussi que les gens avec qui je travaille se parlent entre eux, et créent des trucs. L'autre jour, Hugo est allé jouer avec Guillaume, le projet de Guillaume s'appelle Blondin, sur Paname, et c'est super, et ce n'est pas moi qui ai généré ça, ça me fait plaisir, en fait c'est ça la musique.
Comme les deux Nicolas (Bonnières et Courret) qui faisaient leur Space Invaders...
Romain Humeau : Ouais, et maintenant ils jouent dans The Natas, c'est un groupe de reprise de surf, et ils s'éclatent avec Damien Pouvreau qui est mon pote aussi, et ce sont des histoires de musiciens... J'ai des nouvelles de Fred Ozanne, d'Emiliano Turi, ou de Damien Lefèvre... Au bout d'un moment, ça commence à faire beaucoup de gens qui ont participé, de près ou de loin à ce que mes chansons existent, donc je les remercie tous, c'est super.
Dans les projets à venir, j'ai un plan d'attaque quand même, depuis très longtemps, qui est faire deux disques de rock'n'roll et après un disque de folk. Donc il y a un prochain disque qui va être très... Je veux le faire plus... qu'il fasse un peu mal, même en texte et même en prise de position politique, mais qui se donne la possibilité de marcher. Je travaille tout ça, parce que j'ai cette conscience-là aussi, je fais de la pop à la base, ce sont des chansons, je ne fais pas de la musique trash metal, mais je peux présenter certaines choses sous l'aspect du trash metal.
J'aime bien Pogo Car Crash Control, ils ne font pas du trash metal, mais j'aime beaucoup ce qu'ils font, par exemple. Mais j'aime aussi Simon & Garfunkel... Donc le troisième, par contre, je le prévois, et je crois savoir comment on va le faire, j'en parle déjà, parce que c'est un énorme truc à mettre en place au niveau national, avec les régions et avec des chapelles.
Ça sera enregistré dans des chapelles et en live. Donc c'est beaucoup de répétitions et beaucoup de musiciens. Mucho caro ! Sauf que c'est beaucoup moins de temps, trois jours d'enregistrement. Mais un mois de répétition. Donc ça se finance différemment, ce sont d'autres trucs...
J'ai souvent parlé de trucs, de comédies musicales, ça j'aimerais beaucoup le faire aussi. Là je vais faire une BO de film aussi, de manga, mais d'un long métrage, "Retour à Tomioka", c'est validé !
Et donc c'est vraiment le début d'une nouvelle ère. On est à la charnière d'un truc différent. Mais tout ça sous l'égide d'Eiffel maintenant. Moi je m'en fous ! Je ne suis pas là pour vendre une marque. Le nom Eiffel, ça fait très longtemps que je trouve ça ridicule. Mais je l'assume total, ce n'est pas le problème. C'est ce que les gens connaissent... donc voilà !
Pour en revenir à l'album La peur et le vent, la dernière chanson "Abracaputana"...
Romain Humeau : Elle t'a gonflé ?
Non, mais elle est étonnante on va dire. Entre le texte assez dur et la musique plutôt joyeuse...
Romain Humeau : En fait je ne savais plus si je ne l'aimais plus du tout ou si je l'adorais. Et puis ça m'a fait plaisir, il y a des gens pour qui c'est leur préférée. Mais je ne sais pas. Par contre le texte, on a beaucoup de sujets comme ça avec les copains. Depuis quelque temps, et c'est une autocritique, je me mets dedans, je m'inclus dedans, je fais partie de cette engeance qu'on appelle les socio-démocrates.
Et je ne parle pas de la social-démocratie de Marx, je parle de la néo-social-démocratie à la François Hollande. Et je me suis rendu compte que petit à petit, ça c'est moi, j'ai le droit, ça m'effrayait beaucoup plus que l'extrême droite. Parce que la social-démocratie a besoin de l'extrême droite pour pouvoir être élue.
Et depuis, tout le monde l'utilise... on a peur de l'extrême-droite, donc on vote quoi ? On vote contre ! Donc on vote plus ou moins au centre, centre-droite. Mais centre-droite, centre-gauche, j'avoue, moi, ça n'est que moi qui dis ça, je ne fais plus la différence.
Dans "Abracaputana", il en est question. Avec humour mais un humour qui rit jaune... c'est acide. Et donc, cette chanson-là est un peu dangereuse parce que je finis par dire en dernier couplet que Camille Etienne ou Greta Thunberg et les Black Blocs me plaisent, en fait... Je comprends parce que je suis allé voir aussi quelle était la fonction des Black Blocs à la base. C'est un système d'action allemand et c'est pour protéger les manifestants, à la base. Mais là, ça devient un peu plus tendu, c'est-à-dire moi, je commence à être où ? Et c'est très difficile à exprimer parce que je ne suis qu'en face de gens qui ont été éduqués, et je suis aussi éduqué comme ça : tout sauf la violence, qu'on continue à se faire baiser la gueule, on attend la COP 372 pour savoir si demain c'est peut-être pas mal ? Alors je ne parle pas de révolution, je ne parle pas de tout péter pour machin, etc. Et donc ça, c'est dit dans "Abracaputana".
D'où la musique joyeuse pour que ça passe...
Romain Humeau : Voilà, et alors parce que j'aime beaucoup Edith Piaf, parce que j'aime beaucoup David Bowie, et puis j'aime beaucoup Dutronc aussi. Je trouve qu'il y a quelque chose dans "Abracaputana" qui est un petit peu un emprunt à Dutronc. Je voulais quelque chose de cabaret dans le disque, c'était important pour moi.
Il y a aussi "Belle of the Ball" qui me fait penser à "Big Data". Déjà avec l'intro, et puis après l'histoire de la fille qui ressemble à Malika de "Big Data". C'était voulu ça ?
Romain Humeau : C'est génial parce que je n'y ai pas pensé un seul instant. Mais par contre la construction est exactement la même, tu as raison. Je n'ai pas pensé à Malika de "Big Data". "Big Data" a été pensée comme une dystopie. La seule différence pour moi c'est que "Belle of the Ball", on n'est plus dans la dystopie... On est dans la réalité... Moi je décide de ne pas réellement agir dans les chansons. Mais en ce moment, Estelle aussi, on se dit qu'on peut agir en parallèle. Je connais des gens qui œuvrent là-dedans avec Les soulèvements de la terre, qui font des trucs... "Belle of the Ball", c'est cette engeance là.
Donc ça peut être Camille Etienne, ça peut être Salomé, ça peut être tes enfants, qui disent, je vais sur la A69. Ou qui disent que les méga bassines, ce n'est pas bon. Ou encore l'eau, ou alors le scandale de Nestlé...
Parce que c'est vraiment hallucinant ce qu'on nous refourgue et on ne dit rien. J'en veux beaucoup à ma génération. J'avoue, j'ai honte de ma génération et de moi-même. Par contre, ce n'est pas du tout donneur de leçons... Tu as le droit quand même de chanter un truc qui te dérange, et de dire, je participe à ça, et j'essaie d'en sortir. Je pense qu'on va vers ça. Là, on va vers des années où... Déjà, c'est déjà le cas... Moi, j'ai beaucoup d'amis qui étaient climato-sceptiques il y a encore 2-3 ans, qui ne le sont plus du tout. Ils ont capté que... Et c'est une histoire toute bête de... On fait partie du vivant. On est une infime partie du vivant, nous, les êtres humains.
On n'a pas compris qu'on faisait partie d'un tout. Et on est en train de détruire ce tout pour essayer de mieux vivre. Mais en fait, on vivra toujours plus mal si on détruit ce tout. Et donc, ouais, "Belle of the Ball"...
Mais alors, par contre, ce n'est pas de l'humour. J'ai toujours aimé, moi, les dessins animés de Walt Disney, les premiers. La musique est géniale. Il y a une dynamique de dingue. Tu as envie d'être ami avec toutes les souris qui sont potes avec Cendrillon. Ça se balade dans les tuyauteries, ça fait des petites maisons. Et puis après, tu as Cendrillon qui arrive et puis qui perd son truc. Et puis le Prince Charmant est génial et tout. Moi, je suis très fleur bleue à la base.
Et après, ça ne m'interdit pas de mettre du trash dedans ! Et donc, cette "Belle of the Ball", pour moi, c'est Superwoman. C'est super Black Block Woman. Et donc, elle est comme Malika. Effectivement, elle veut sauver le truc ! Le dernier truc que je voulais rajouter. J'y mets une part de romantisme : quand elle est signifiée dans la chanson, il y a tout qui s'arrête et on a l'ensemble de cordes, très Walt Disney justement, mirobolant, avec des trémolos... tout ça.
J'adorerai que dans le clip, elle arrive et ça soit genre la déesse et qu'en fait à la fin ça soit une black block ! Mais qu'il y ait un peu d'humour aussi, bien sûr, parce que tout ça, c'est très tendre.
Et la tournée, tu m'as dis 80 dates et quelques...
Romain Humeau : Mon défaut, c'est d'annoncer des trucs qui, parfois, ne se passent pas. Mais de ce qu'on me dit, là, on va annoncer 10 ou 15 autres dates. D'ici très peu de temps, elles sont dealées. Donc, on est à 40 et quelques. Et a priori, jusqu'à fin 2026, on va faire des concerts. Je ne sais pas comment ça sera. Mais ça sera sûrement le double. Donc, c'est énorme !
