Spectacle de Nicolas Le Bricquir, avec Rose Noël, Sarah Cavalli, Caroline Fouilhoux, Marine Barbarit, Romain Bouillaguet, Pierre de Barncion, Tom Boutry, Léa Millet.

2019 à Anchorage en Alaska. Cynthia, 19 ans, est retrouvée morte, abattue d’une balle dans la nuque. Deux enquêteurs interrogent ses derniers amis à l’avoir vue, Denali et Kayden, avec qui elle était partie dans la forêt et qui seront bientôt inculpés, remontant lentement les faits.

La pièce de Nicolas Le Bricquir basée sur un fait divers réel mêle présent, passé et virtuel (incrustation de sms ou de vidéos de messageries) pour dévoiler comment les réseaux sociaux, les miroirs aux alouettes, et la perte de repères et de valeurs chez toute une partie de la jeunesse peuvent conduire à la tragédie.

C'est tout d'abord la mise en scène qui impressionne : Nicolas Le Bricquir a choisi de proposer ce spectacle comme une série télévisée que le public verrait en direct. Il reprend donc les codes du genre : durée des épisodes, génériques apparents à l'écran, flash-backs, passage d'un lieu à un autre.

Le procédé a déjà été utilisé mais pour ce qui est de la technique, le metteur en scène et son équipe la maîtrisent totalement. C'est à la fois original et audacieux. D'autant plus que toute l'illustration sonore est réalisée en direct et avec talent par Thomas Guené, présent sur le côté de la scène pour jouer la création sonore superbe de Louise Guillaume.

L'interprétation est inégale mais permet tout de même de voir l'ensemble de la distribution passer d'un personnage à un autre ou changer de temporalité avec brio.

Il ressort tout de même de ce spectacle une vraie impresson de malaise sur l'état de la jeunesse et les dégâts causés par les écrans et les réseaux sociaux. Dans ce sens, il a le mérite de tendre un miroir aux jeunes spectateurs. Et l'on ne s'ennuie pas dans cette enquête criminelle terrifiante menée à cent à l'heure.

En revanche, il émane une sensation de froideur de l'ensemble. La sonorisation éloigne les comédiens du public et ne permet d'empathie pour aucun des personnages dont l'émotion ne passe hélas pas souvent la rampe (si l'on excepte une scène très réussie où Denali (Rose Noël) chante devant sa glace, une brosse à dent en guise de micro).

Denali a sûrement un rôle à jouer. Ce peut-être certainement un formidable outil pédagogique à montrer aux jeunes, dont le spectacle emprunte tous les codes (jusque dans toutes les expressions et tics de langage du texte) sur les dérives des réseaux sociaux et le dangers des modèles véhiculés par les écrans. Elle décrit de façon implacable une société définitivement malade.

Mais le spectacle montre également que la télévision ou le cinéma n'auront jamais le pouvoir d'émotion du théâtre, sa poésie et sa beauté.