L'écho des formes de la collection Été-Automne 2003 à travers l'oeil de Bruce Weber
À quelques jours de la Fashion Week parisienne, l’excitation est palpable.
Dans le Marais, le gotha de la mode converge vers la Fondation Azzedine Alaïa, sous le sourire lumineux et l’œil vigile de Carla Sozzani, présidente. On la surprend, souriante, tenant un bouquet de fleurs, avant de la voir en pleine conversation avec Pierpaolo Piccioli, ex-Valentino et désormais maître de Balenciaga. Autour d’eux, journalistes, photographes et fidèles du couturier s’installent dans ce sanctuaire où le temps semble suspendu.

Sous la verrière qui accueillit le défilé de janvier 2003, trente pièces d’exception ressurgissent comme si elles n’avaient jamais quitté la scène. Vestes et redingotes oscillant entre droit fil et biais, robes à zip d’une pureté ascétique, jupes perforées et galbées, chemises blanches étirées jusqu’à l’extrême, cuirs sculptés en queues de pie… Chaque création est un manifeste de virtuosité.

Les applaudissements de la collection Été-Automne 2003 résonnent encore : "Sublime, forcément Azzedine", "Alaïa, leçon de couture", "Master Class from Alaïa", "Alaïa, les sortilèges du noir", "Alaïa Triumphs", "Alaïa King of Curves", "Alaïa est grand". Il n’est pas un article, pas une signature, qui ne s’incline devant tant de brio.

À la faveur d’une commande pour Vogue Italia, Bruce Weber capture la collection dans des photographies en noir et blanc qui effleurent les corps avec délicatesse, révélant une féminité nouvelle, volontiers androgyne, socle gracieux pour les mousselines fragiles.

En exergue, Alaïa écrit : "Été-Automne 2003, Vêtements, Couture, Édition, Prêt-à-porter", rappelant que haute couture ou prêt-à-porter, chaque vêtement exige la même attention et mérite sa noblesse.

À l’étage, à côté de l’atelier visible au public, les photographies de Weber sont exposées pour la première fois. Dans un espace séparé, plongé dans l’obscurité, est projeté Afo mon bébé, film réalisé par Claudio Dell’Olio pour le défilé Couture 2003. Chaque plan, tourné à "hauteur de chien", plonge le spectateur dans le regard discret et curieux d’Afo, fidèle compagnon du couturier.

Les coulisses s’animent : les mains du couturier ajustant les robes, les mannequins en mouvement, éclats de rire feutrés et regards complices. Miuccia Prada, espiègle, circule dans le backstage, apportant une touche de malice à l’atmosphère.

La mise en scène minimaliste accentue toute la force des vêtements et l’intensité des images. Sans décor ni podium, entre le chuchotement des murs nus, les poèmes de Jacques Prévert, la voix d’Arletty et les chants de Juliette Gréco, les vêtements d’Alaïa deviennent musique et mémoire.

Un moment suspendu de l’histoire de la couture : art, mode et mémoire se fondent en une harmonie rare.
Crédits photos : Paola Simeone, avec l'aimable autorisation de la Fondation Azzedine Alaïa
