Spectacle d'après Stefan Szweig, adapté par Jean-Luc Giorno, mis en scène par Yves Patrick Grima, avec Nicole Giorno et Jean-Luc Giorno.

Moins connue que "Lettre d'une inconnue", "Le Bouquiniste Mendel" est une autre des nouvelles de Stefan Zweig, où il prouve qu'il était aussi un maître du genre et pas seulement un grand biographe et un romancier hors pair.

Jean-Luc Giorno l'a adaptée sans faute de goût et joue, dans un frac qui lui donne un air de Monsieur Loyal chic, le narrateur qui va raconter l'existence tragique de Jakob Mendel. C'est en errant dans Vienne qu'il retrouve le grand café où jadis, c'est-à-dire bien avant la première guerre mondiale, il avait croisé le bouquiniste à sa grande époque. Dans ce retour en arrière, où le vieil homme revoit sa jeunesse... il retrouve, cette fois vivante, une autre vieille connaissance : Madame Sporschil, qui s'occupait des lavabos. C'est Nicole Giorno qui l'interprète et qui est chargée de conter la fin pitoyable de ce "magnifique", de cet érudit autodidacte qui était à lui seul une bibliothèque et dont l'inéluctable éviction de son quartier général, marquera la fin d'une époque, peut-être celle de la Vienne impériale et de sa culture étincelante.

Un moment, fort émouvant, Jean-Louis Giorno quittera son frac pour faire revivre le bouquiniste dans toute sa judéité.

Avec peu d'éléments, Yves Patrick Grima réussit une mise en scène d'une grande clarté. Le narrateur va et vient derrière le rideau noir qui occupe l'arrière de la scène. Il réapparait en Mendel ou est remplacé un bref moment par la dame pipi du café.

Le spectacle est bref mais intense, roboratif. Le récit est dense et l'évocation du personnage sans lourdeur. Tout le charme nostalgique de l'auteur du "Joueur d'échecs" est présent dans la composition de Jean-Louis Giorno. Merveilleux conteur, il aurait pu même se dispenser de faire intervenir Mendel et la vieille servante tant il captive l'auditoire. Mais, les deux autres présences assurent la théâtralité de l'entreprise, ajoute de l'humanité à l'ensemble. Ce n'est pas un exercice de style pour prouver la qualité du texte de la nouvelle, mais la création, voire la re-création, de tout un monde disparu avec une extrême simplicité qui apporte au spectacle une vraie grâce et une indiscutable émotion.