D'après la pièce de Marivaux mis en scène par Frédéric Cherboeuf avec en alternance Dennis Mader, Thomas Rio, Jérémie Guilain, Bryan Schmitt, Adib Cheikhi, Basile Sommermeyer, Mathias Zakhar, Justine Teulié, Camille Blouet, Chloé Zufferey, Vincent Odetto, Balthazar Gouzou, Matthieu Gambier, Frédéric Cherboeuf, Marc Schapira, Lucile Jehel, Céline Laugier, Émilie Lehuraux.
En sortant du Jeu de l'amour et du hasard dans la version qu'en a tirée Frédéric Cherboeuf, tous les spectateurs, qui auront été conquis par cette mise en scène limpide et ce spectacle constamment distrayant, inventif et drôle, risqueront de croire que monter Marivaux en 2025 est une chose facile, une garantie infaillible de succès. Ils auront grand tort. Car, sans les nommer, on pourrait citer bien des "Jeu de l'amour" médiocres ou prétentieux.
Le secret de Frédéric Cherboeuf, outre de respecter le beau texte de Marivaux et d'avoir choisi une distribution cohérente de jeunes acteurs doués, est de ne pas se mettre en avant et de penser constamment au public qui doit tout comprendre de la mécanique d'un auteur très joueur qui aime bien brouiller les pistes.
Jamais la pièce tout en rythme ne dévie de sa route, même dans un décor de paillottes qui donne un air méditerranéen à l'ensemble, même en s'amusant à créer une bande-son où l'on reconnaîtra la musique de Martial Solal pour A bout de souffle, ou à faire chanter aux uns et aux autres des tubes comme "Ti amo" ou "Mistral Gagnant", sans oublier une belle version de "La Serveuse automate".
Pas la peine de raconter une intrigue qui permet surtout à tous les comédiens de changer de registre avec beaucoup de plaisir. Pas la peine de donner ses préférences dans une distribution qui peut changer à chaque représentation puisque presque tous les rôles peuvent être tenues par trois acteurs différents. Simplement, fidèles à l'esprit de Marivaux, les maîtres et les serviteurs ont compris que le temps de l'aristocratie et de ses privilèges n'en a plus pour longtemps, qu'en s'amusant à échanger leurs positions, les bourgeois et leurs domestiques s'aperçoivent que les positions sociales sont surtout une question de hasard.
Bientôt il n'y aura plus vraiment de castes mais des classes, et l'on pressent à quelques détails e à quelques piques lancées que leur lutte n'en sera pas moins âpre. Il suffit de voir comment Arlequin (le vrai) est à l'aise dans les deux rôles. Seule différence, que montre bien le travail de Frédéric Cherboeuf, l'insolence reste encore verbal et tout rentre à peu près dans l'ordre, sous les applaudissements d'une salle où ceux qui connaissaient la pièce en auront perçu toute la modernité et ceux qui l'ignoraient, ainsi que son auteur, auront compris combien ce grand classique était à leur portée.
Avec ce brillant "jeu de l'amour et du hasard", voilà une saison qui commence bien.
