"What a curse it is to be a lover girl"

Si on écoute d’une oreille distraite la musique de la chanteuse islando-chinoise Laufey Lín Bing Jónsdóttir, on pourrait penser qu’elle date des années 50, 60 ou 70. Il faut dire qu’il y a dans ces disques (Everything I know about love sorti en 2022 ou Bewitched sorti l’année suivante) quelque chose d’un faste d’antan : dans l’écriture, dans les orchestrations (rappelant Les Brown, Gil Evans, Nelson Riddle ou Richard Hayman) ou les harmonies vocales, dans la façon de chanter (techniquement imparable), entre jazz, musical, bossa et pop. Ce A Matter of time produit par Spencer Stewart et Aaron Dessner (The National) ne déroge pas, pour notre plus grand plaisir, à la règle.

Avec sa pochette aux faux airs de Cendrillon (et clin d’œil très appuyé au Around Midnight de Julie London) et ses titres de chansons aux allures de chapitres de contes de fées ("Snow White", "Carousel", "A Cautionary Tale", "Cuckoo Ballet", "Castle in Hollywood"), tout cela pourrait sembler très beau mais bien inoffensif. Détrompez-vous !

"It's just a matter of time 'til you see the dagger". En ce qui concerne les paroles, il y a quelque chose de nettement plus moderne, du romantisme certes mais absolument pas mièvre, réaliste quant à la cruauté du monde, du rapport aux femmes (A woman’s best currency’s her body, not her brain) et même teinté parfois d’un certain humour.

Esthétique ultra-sophistiquée, sens inné de la mélodie, paroles pas idiotes, des tubes en abondance : super disque.