Le 4 février 2024, à Lyon, Kent a programmé en première partie de son concert au Radiant ce quintette, Les Chics Types. Programmé, le mot n’est pas assez fort : alors que d’ordinaire les premières parties se contentent d’un bout de scène, il a leur offert sa logistique entière - piano à queue compris -, poussant la générosité jusqu’à les rejoindre pour un duo. La grande classe.
Ces cinq musiciens ne sont pas tout à fait des inconnus : depuis bientôt 20 ans, ils jouent dans la région de Lyon, de lieux rock en salles chanson en passant par quelques festivals blues - un peu "cul entre deux chaises", à la croisée des genres. Leur répertoire, qui fut d’abord bilingue - créations en français, reprises anglophones - est désormais à 100% dans notre langue. Cet album est la captation de ce concert en première partie de Kent : six titres issus de leur dernier disque studio (Comme si, 2023) et une reprise des lyonnais de L’Affaire Louis’ Trio - auxquels ils avaient rendu hommage, avec Carmen Maria Vega, Kent, Stan Mathis et beaucoup d’autres, sur le disque Place Hubert Mounier, en 2019, et lors d’un grand concert au Transbordeur.
Ça démarre comme ça : une voix féminine rêveuse invite à imaginer une histoire où l’on retrouverait, dans la boîte à gant d’une voiture vintage, une vieille K7 enregistrée par un amour ancien. Seule chose à faire : rouler en jouant la musique d’antan, se laisser bercer par les souvenirs… Cette jolie idée narrative sert de fil rouge au disque, de "Our last summer", évoquant ladite K7, à "En 504", ode au célèbre coupé Peugeot. Il y a de la nostalgie, mais elle est souriante, jamais triste : "Ferme les yeux" voit un couple adulte s’imaginer un amour d’enfance de fiction ; "Comme si" dit la permanence du sentiment lorsque les amours adolescentes sont loin mais que leur souvenir alimente encore la rêverie et fait renaître le désir chez un vieux couple.
A la formule canonique guitare / basse / batterie s’ajoutent un piano et un sax qui permettent des envolées très rock’n’roll : sur "Chanson à boire" (reprise de l’Affaire Louis’ Trio) et surtout "Ce qui se passe" - hymne à la musique qui rend libre et fait tout oublier - il y a des plans à la Johnnie Johnson (le pianiste de Chuck Berry) ou des chorus de soufflant à la "Good Golly, Miss Molly" (Little Richard) : ça pulse, il faudrait vraiment être de mauvaise foi pour ne pas avoir envie de taper du pied avec eux. Cette euphorie culmine dans la dernière chanson, "En 504", où après des couplets de mythologie automobile dignes des Beach Boys ("tu joues avec le vent qui décoiffe les filles" - ironie : ce texte a été écrit… par l’épouse du chanteur - ou "éprouver les virages en chatouillant les ravins"), le refrain en mode "hou la la la" se reprend en choeur et avec jubilation.
Entre-temps, il y aura quand même eu une parenthèse dans cette joie de vivre : "Quand la terre se dérobe", duo avec Kent, parle d’enfance et de handicap avec gravité mais non sans espoir - pour ça, la voix chaleureuse de l’ex Starshooter fait merveille - en disant l’effarement puis le courage des parents accueillant la vie dans ces conditions plus compliquées que la moyenne.
Christian Biral (guitare acoustique, chant, écriture, composition), Cédric Vernet (basse électrique, harmonica, écriture), Jean-Yves Demure (batterie), Eric Corbet (saxophone) et Pierre Nony (piano) jouent une musique à la fois old school et feelgood : dans les deux cas, ce n’est pas un gros mot, on est content d’entendre des compos très "classic rock", avec des textes pas cons, célébrant les petits plaisirs et les grands sentiments… qui font le sel de la vie.
