Rencontre sympathique et détendue avec les jeunes comédiens du quatuor de "Un tramwa_èy nommé désir", qui est actuellement à l'affiche du Théâtre Mouffetard dans une mise en scène d'Elsa Royer, dans les loges avant une représentation.
Et où on apprend que ce spectacle est riche en coïncidences.
Commençons par un petit tour de table.
Alexandre Chacon : Je suis arrivé à Paris à 18 ans où j'ai suivi les cours Florent. J'ai joué quelques pièces au sein de cette école et également à l'extérieur ainsi que dans quelques téléfilms.
En ce qui concerne ma présence sur cette pièce, j'avais croisé Elsa Royer au cours Florent sans plus et un jour j'ai reçu un mail du cours Florent m'indiquant qu'elle organisait un casting pour sa pièce. Je me suis donc présenté et j'ai rencontré Elsa. Et puis voilà.
Vous postuliez pour le rôle de Stanley ?
Alexandre Chacon : Oui.
Et quel est l'élément décisif qui a joué en votre faveur ?
Alexandre Chacon : Le choix d'Elsa lui est très personnel. Pour ma part, à l'origine, il est vrai que je ne me serai pas distribué dans ce rôle.
Dans le rôle de Mitch (demande Violaine Fumeau-Silhol )?
Alexandre Chacon : Non, ce serait plutôt Blanche ! J'avais monté cette pièce au cours FLorent et il est vrai que je ne me voyais pas dans ce rôle. Il est vrai que c'était à ce moment là et maintenant c'est un rôle dans le regard d'une femme.
Nicky Marbot : Je suis menuisier-ébéniste de formation. J'ai deux potes qui se sont fait couper tous les doigts à la toupie donc j'ai immédiatement arrêté. Je suis parti au Club Med en tant qu'animateur et je me suis immédiatement rendu compte que ce qui m'intéressait c'était la scène.
Quand j'ai fait mes 5 ans de GO, je me suis dit que ce qui serait bien serait de faire du théâtre. Au bout d'une semaine au cours Simon, je me suis dit que c'était cela que je devais faire. J'ai eu beaucoup de chance car j'ai travaillé très vite.
Là, cela faisait un grand moment que je n'avais pas fait de théâtre, depuis deux ans et demi. J'avais joué une pièce pendant 3 ans, "L'opposé du contraire", avec le même partenaire et j'en avais eu un peu marre. Gaëlle Billot-Danno a assisté à une projection du très beau film unitaire réalisé par Simon Brook qui s'appelle "La légende vraie de la Tour Eiffel " et elle m'a sauté dessus à la soirée !
Gaëlle Billot-Danno : Littéralement ! Je suis comme ça ! Je saute sur les hommes !
Nicky Marbot : Elle m'a demandé si je faisais du théâtre et je lui ai répondu que non parce que je n'avais pas trop le temps car je faisais de l'image. Mais quand elle m'a dit qu'il s'agissait de "Un tramway nommé désir" j'ai tout de suite fait : "Ah !". J'ai remplacé en fait un comédien sur ce projet.
Violaine Fumeau-Silhol : J'ai un parcours similaire à celui d'Elsa et d'Alexandre puisque je viens du cours Florent où j'ai fait la classe libre et où j'ai eu la chance de jouer dans des spectacles théâtraux et notamment avec Alexandre dans lesquels jouais déjà sa femme. Nous nous sommes retrouvés par hasard sur ce projet.
Je connais Elsa depuis 6 ans, depuis sa 3 ème mise en scène pour une pièce dont elle est l'auteur "Le troisième sexe" dans laquelle je jouais Laura qui est une jeune fille qui se faisait vampiriser par un vampire féminin qui était interprété par Gaëlle.
Et Elsa nous a ainsi proposé de jouer ensemble dans "Un tramway nommé désir". Elle me proposait le rôle de Stella et sur le coup je me disais que ce personnage, doux, soumis, gentil, était mon contraire et j'étais donc un peu sceptique au départ. Et puis, au fur et à mesure du travail, j'aime énormément ce personnage.
Et que j'ai appris à aimer car ce n'est pas évident, notamment la fin, où Stella est très dure. Stella est un personnage très terrien à l'inverse de sa sœur Blanche qui fuit tout réalisme et se réfugie dans la poésie et la magie. Stella a besoin de choses brutes, de baisers, de relations très physiques avec son homme.
Gaëlle Billot-Danno : Mon parcours est un peu atypique. Comme Nicky je ne viens pas du théâtre. A la base j'étais directrice de communication dans la presse, dans le groupe Figaro, puis dans le cinéma. J'ai tout arrêté il y 5 ans pour être comédienne.
Parce que c'était un rêve à réaliser ?
Gaëlle Billot-Danno : Non, je détestais ce métier car ma maman est comédienne et j'avais en horreur les gens de ce métier. J'avais toujours dit que je ne ferais jamais ce métier et, comme quoi il ne faut dire jamais, un jour cela m'a rattrapé.
Une de mes amies m'a un peu forcé la main pour que je prenne des cours de théâtre ce qui a ouvert une brèche que je m'étais évertuée à colmater. La vie m'a mise sur une nouvelle route, celle du théâtre. Et je ne le regrette pas. Je ne reviendrai pour rien au monde en arrière.
J'étais d'ailleurs encore entre ces deux mondes quand j'ai rencontré Elsa et joué avec Violaine. Elsa m'a rappelé un jour, je m'en souviens bien, j'étais dans le bus et je lisais "Un tramway nommé désir" quand elle me propose ce projet. J'ai dit oui immédiatement. Entre temps j'avais eu la chance dans mon parcours, qui est plutôt théâtral, de faire la connaissance de Pierre Santini dont je suis devenue l'assistante à la mise en scène et qui nous a ouvert les portes de son théâtre pour ce projet.
Vous êtes tous uniquement comédiens ou tâtez-vous de la mise en scène ?
Gaëlle Billot-Danno : Je fais les deux.
Alexandre Chacon : J'ai fait de la mise en scène il y a quelque temps déjà.
Violaine Fumeau-Silhol : Je suis comédienne et j'ai une petite formation de réalisateur. J'aimerai bien réaliser des documentaires.
Nicky Marbot : Je suis uniquement comédien.
La mise en scène est axée sur le personnage de Blanche et le regard qu'elle porte sur les autres protagonistes de "Un tramway nommé désir". Quel est ce regard ?
Gaëlle Billot-Danno : Blanche éprouve un amour profond pour sa sœur non seulement parce que, comme elle le dit dans la pièce, c'est la seule personne qui lui reste au monde et son dernier ancrage à la réalité et à la vie – d'ailleurs quand Stella n'est plus là elle perd pied et part dans un autre monde – mais aussi comme elle ne sait pas bien s'exprimer elle n'est pas très douée pour le bonheur.
Elle ne se rend pas bien compte du cataclysme qu'elle déclenche. Elle voit sa sœur comme tout ce qu'elle n'est pas et qu'elle aimerait ou aurait aimé être.
Le côté très lymphatique de sa sœur et dépendant physiquement de son mari l'agace aussi et la renvoie à ses propres limites. Amour et agacement comme pour tous les gens qu'on aime finalement. Mitch est perçu par Blanche comme une bouée de sauvetage aussi mais d'une façon différente. Quand elle le rencontre, elle se crée une image de lui enfantin, drôle, doux, touchant par ses maladresses. Ca bascule ensuite parce que les rapports sont changés et sa planche de salut se mue en détonateur pour bloquer toute issue à sa vie.
Ils sont effectivement très différents.
Gaëlle Billot-Danno : Oui, mais c'est comme dans la vie quand on veut absolument être amoureux et bien avec quelqu'un on fait tout pour occulter les choses que l'on sait instinctivement ne pas marcher.
Quant à Stanley, je pense qu'il y a aussi deux mondes qui les opposent bien qu'il existe entre eux une forte attraction et une grande similitude qui les attirent. Ils sont très instinctifs, un peu comme des animaux, mais elle, elle refuse cet aspect de sa personnalité.
Pour Blanche, Stanley est quelqu'un d'extrêmement attirant et dangereux. De plus, comme elle a besoin de plaire elle le cherche chez lui en sachant qu'elle ne le trouvera jamais. Il y a un peu de masochisme chez elle.
Chacun de ces trois personnages permet à Blanche de se confronter à un aspect d'elle-même comme toute rencontre que l'on fait dans la vie. Mais comme ce sont des aspects totalement niés ou rejetés, cela conduit au clash final.
Et le positionnement des autres par rapport à Blanche ?
Alexandre Chacon : Stanley est comme chaque être humain qui est installé dans ses certitudes et dans ses repères de vie, de sentiment et d'équilibre psychologique. Il se sent bien. Il aime profondément sa femme et leur union fonctionne, comme dans beaucoup de couples, sur le sexe. Blanche constitue une intrusion soudaine dans sa vie privée et fait exploser ses repères.
Il se retrouve donc confronté à quelque chose qu'il ne connaît pas, qu'il ne comprend pas et qui le rend fou. Il va réagir avec ce qu'il est donc avec instinct, violence et passion. Cela déclenche moins une guerre contre Blanche qu'une guerre intérieure. Cela l'amène également à vouloir posséder Blanche, ce qui arrive.
Nick Marbot : Mitch a sa maman, son pote et Blanche représente un virage potentiel dans sa vie.
Alexandre Chacon : Je trouve très beau cette amitié qui les unit dans l'univers de Tennessee Williams. Bien sûr, Elsa a choisi de centrer sa pièce sur l'univers féminin mais cela me manque un peu. Nous essayons donc de construire cet univers dans les rares moments où Mitch est sur scène. Surtout qu'il s'agit d'une belle histoire de mecs ancrée dans les années 50.
Elsa Royer a travaillé avec une idée très précise de ce qu'elle voulait faire. Comment s'épanouit-on en tant qu'acteur dans un cadre qui peut être très rigide ?
Violaine Fumeau-Silhol : Cette question est très fondée car je viens juste de parler à une amie qui me demandait comme cela évoluait et je lui répondais que les rôles autour de Blanche n'évolueront jamais.
Nous, en tant qu'acteur, on peut se sentir plus libre mais on ira jamais très loin. Le cadre est imposé et on ne va pas se lâcher totalement et jouer l'Actors studio. Ce qui est aussi intéressant car c'est là qu'il faut trouver notre marge de liberté. Elle est très petite.
Gaëlle Billto-Danno : C'est d'autant plus intéressant que cette marge est très étroite. C'est aussi une question de subtilité pour amener le metteur en scène à accepter cela.
Violaine Fumeau-Silhol : Il y a certains soirs où tout vient de façon évidente et d'autres où c'est plus laborieux. Mais c'est plutôt très positif.
Alexandre Chacon : Le travail d'Elsa est basé sur une grande stylisation, notamment dans les scènes avec Blanche, donc cela laisse peu de marge au niveau du corps. La liberté passe par autre chose. Cela étant il est vrai que cela ne peut guère évoluer car à ce moment là on sortirait de la mise en scène.
Gaëlle Billto-Danno : Ce que j'ai ressenti comme ayant beaucoup évolué c'est la fluidité, une sorte d'énergie qui diffuse pendant le spectacle.
Violaine Fumeau-Silhol : Oui, mais davantage pour le personnage de Blanche.
Le fait d'avoir déjà travailler ensemble sous des configurations différentes vous a-t-il aidé ?
Alexandre Chacon : Oui et puis cela vient aussi des rencontres. Il y a une belle homogénéité.
Ces rôles, un peu mythiques tant par la personnalité de son auteur que par l'adaptation cinématographique d'Elia Kazan, ne vont-ils pas vous coller à la peau ?
Violaine Fumeau-Silhol : Surtout pas pour Gaëlle. Parce qu'elle n'a jamais joué ce genre de rôle et donc c'est plutôt un plus.
Gaëlle Billot-Danno : Ce qui est étonnant c'est que les gens pensent que c'est un vrai rôle de composition très éloigné de moi. Et en fait, Blanche correspond à un aspect de ma personnalité même si les gens me voient davantage comme quelqu'un de dynamique genre business woman. Et si j'aime autant le personnage de Blanche c'est que je m'y reconnais sous certains aspects.
Violaine Fumeau-Silhol : Surtout que Blanche n'est pas folle.
Gaëlle Billot-Danno : Non, c'est quelqu'un de fragile tout simplement. Et les spectateurs qui viennent l'esprit ouvert voir ce spectacle découvrent que Blanche n'est pas folle.
Alexandre Chacon : Cette pièce traite principalement de la fragilité. De la fragilité de la vie, des gens et des sentiments, de l'éphémère, de l'absence de certitude. Pour ma part, je n'ai absolument pas pensé aux répercussions éventuelles de ce rôle sur mon travail ultérieur. J'ai abordé l'histoire de manière simple comme me l'ont enseigné mes professeurs. Dans Racine, il n'y a pas de roi ni de princesse et ils ne savent pas qu'ils parlent en vers. Le risque est celui de l'identification faite par les spectateurs.
Après le présent, le futur ?
Violaine Fumeau-Silhol : Je reprendrai en février pour la courte tournée prévue pour cette pièce puis pour la reprise en septembre.
Alexandre Chacon : Je pense qu'il faut d'abord mener à bien notre projet actuel et finir nos dates ici. Je n'ai par ailleurs pas d'autres projets concrets à ce jour.
Nick Talbot : J'ai tourné dans plusieurs films qui vont sortir bientôt : "Truands" de Frédéric Schoendoerffer en septembre avec Olivier Marchal, Béatrice Dalle et Benoit Magimel, "Les murs porteurs" de
Cyril Gelblat avec Miou Miou et Charles Berling en octobre, un film de Patrice Leconte et beaucoup de télés.
Gaëlle Billto-Danno : Je vais enchaîner dans "Ben Hur" le spectacle de Robert Hossein dans lequel je vais jouer le rôle de la sœur de Ben Hur pour 5 représentations en septembre au Stade de France et ma mère, Jacqueline Danno, va jouer la mère de Ben Hur et donc ma propre mère. Nous jouerons ensemble pour la première fois. Ensuite, je reprendrai au Théâtre d'Argenteuil "Les trois sœurs" de Tchekov que j'avais joué l'année dernière. Et puis j'ai des projets de mise en scène avec Pierre Santini.
Violaine Fumeau-Silhol : Pour ma part, je suis enceinte, comme Stella dans la pièce, et donc je vais m'arrêter un peu.