Spectacle conçu par Nicolas Struve d'après des textes de John Keats, adapté par Robert Devreu, mis en scène par Nicolas Struve avec Nicolas Struve et Mico Nissim.

Il n'y a -hélas- pas plus nationaliste que la poésie. Comme chaque mot compte dans un poème, il est logique de lire de préférence ceux écrits dans la langue que l'on pratique.

Dès lors, les Français ignorent Leopardi et ne connaissent les poètes anglais que par leurs frasques ou leur phtisie.

C'est le cas des poètes romantiques quasi contemporains de Victor Hugo ou d'Alfred de Musset. Parmi eux, John Keats qui s'il avait été rocker n'aurait même pas fait partie de la génération des 27, puisqu'il est mort dans sa vingt-sixième année. Heureusement, en 2009, Jane Campion a réalisé "Bright Star" où elle raconte les amours du poète et de Fanny Brawne et ravivé l'intérêt pour le poète.

"Bright Star" - "Astre brillant", c'est le début d'un des plus célèbres de John Keats et, s'il n'avait été pris par le film, aurait pu être le titre du spectacle porté par Nicolas Struve. Le titre choisi, "Une démocratie splendide d'arbres fruitiers", est plus mystérieux et peut-être un peu trop ésotérique. Il est tiré d'une lettre écrite par Keats à l'un de ses amis. Car le poète, s'il a évidemment une œuvre poétique, a aussi une œuvre épistolaire consistante qui fait de cette comète de la littérature britannique un soleil qui brille encore aujourd'hui et qu'il faut remercier Nicolas Struve de faire découvrir au public français.

Il le fait avec aplomb et générosité. Il transforme la scène recouverte de papiers cartonnés qu'il parcourt de fond en comble en un lieu rendu magnifiquement bordélique par Raymond Sarti, le scénographe.

Struve n'a pas voulu être seul sur scène pour rendre cet hommage intense à John Keats. Il est accompagné avec bienveillance par Mico Nissim, un pianiste caché derrière un énigmatique amoncellement d'objets qui cache son instrument mais pas son immense talent. En quelques notes, et quelques interventions inspirées et sans doute improvisées, il ajoute une présence musicale qui va bien à Keats, comme vont bien aussi les images de nature qui surgissent aussi parfois d'une toile cartonnée. Entre parenthèses, un petit conseil : aller voir Mico Nissim quand il se produit quelque part ou à défaut se reporte à "You Tube".

Attention ! Nicolas Struve n'est pas là pour faire "Que-sais-je ?". S'il inspire de Robert Davreu, un authentique poète également à redécouvrir et aussi, comme par hasard, le traducteur de Keats, il fait mieux que d'égrener la rapide existence d'un poète qui, une fois de plus, n'aura même pas su qu'il allait passer à la postérité et nourrir de toute éternité les âmes avides de vraies émotions délicates. Oui, Nicolas Struve peuple sa scène de tous ceux qui ont croisé la comète poétique, dépose des figurines en carton, des portrais d'amis ou de correspondants de Keats, annonce les quatre mouvements qu'il a conçus pour résumer cette belle mais courte vie.

Pas besoin d'en dire plus et de redire que tout ici est pensé du côté de l'admiration et de l'amour. Ajouter une chose importante : c'est un spectacle théâtral auquel on va communier tous ensemble en une explosion d'applaudissements qui viennent trop vite eux aussi. Le reproche est récurrent aux beaux moments que l'on vit parfois au théâtre : c'était trop court.

On aurait souhaité que Nicolas Struve tente d'épuiser toute l'œuvre traduite de John Keats, que Mico Nissim l'illustre de son exceptionnel talent. C'était un vieux pieux : "Une Démocratie splendide d'arbres forestiers" est un écrin quasi parfait pour abriter ce bel exercice d'admiration.