Réalisé par Charlène Favier. Drame. 1h43. Sortie le 16 avril 2025. Avec Albina Korzh, Maryna Koshkina, Lada Korovai, Noée Abita, Yoann Zimmer, Oksana Zhdanova.

Charlène Favier, dont on avait aimé le premier film, Slalom (2020), récidive dans le portrait d'une jeune femme, avec Oxana. Cette fois-ci, il ne s'agit pas du portrait d'une sportive de haut niveau sous l'emprise de son entraîneur, mais de celui d'une "activiste politique", Oksana Chatchko.

Certains diront trop rapidement qu'il s'agit d'un biopic puisque la jeune Ukrainienne a existé et qu'elle a connu un destin tragique en disparaissant à Paris en 2018, à 31 ans, en se pendant dans son atelier. Oxana appartenait à un groupe féministe que tout le monde a en mémoire pour ses actions coup de poing. Composé à l'origine de Sacha Shevchenko, Anna Hutsol et Oksana Chatchko, le groupe va s'appeler les "Femen" et connaître un retentissement international en s'attaquant aux machos ukrainiens et russes à partir de 2008 et particulièrement pendant un euro de foot ayant lieu à Kiev. Les jeunes femmes, dépoitraillées, la peau couverte de slogans politiques, s'égosilleront contre le patriarcat slave, les mâles russo-ukrainiens et bien sûr leurs chers leaders virils.

L'affiche du film pourrait faire l'objet d'une petite récupération politique : on y voit Oksana seins nus avec peint sur le corps un "fuck Putin" bien dans l'air du temps. Les Femen n'avaient cependant aucune exclusive contre la saloperie malique et ne s'attaquaient pas qu'au président russe. Elles s'acharnaient surtout sur leurs compatriotes ukrainiens qui, à l'époque, n'étaient pas devenus des héros de l'Occident, de la chair à canon qu'on plaint ici, mais formaient une masse compacte éructant, l'haleine chargée de bières, contre ses petites nanas courageuses qui s'en prenaient à cette prostitution massive à laquelle était réduite beaucoup de leurs jeunes compatriotes.

Quoi qu'il en soit, on verra tout ça dans le film, comme on avait déjà pu le voir dans deux documentaires formidables à la gloire des Femen : Naked War (2013) de Joseph Paris, Je suis Femen (2014) d'Alain Margot.

Charlène Favier traite la courte vie d'Oksana à l'aide de flash-back. La jeune femme, comme ses camarades, ont fui la Russie après s'être réfugiées à l'ambassade de France et obtenu l'asile politique dans l'hexagone.

En 2018, elle est à Paris, va bientôt présenter une expo de ses toiles. D'ailleurs, pendant tout le film, à toutes les époques qu'elle traverse, elle n'arrête pas de peindre ou de colorier des icônes orthodoxes. Le film est baigné sans cesse dans une atmosphère étrange, presque mystique, dans laquelle, couronnée de fleurs, Oksana se projette, entre danse et combat, successivement joyeuse, hystérique ou déprimée. Car l'aventure des Femen, si elle est semée d'actions qui montrent leur courage et leur détermination, est aussi une suite de trahisons et de reniements. Prises ici comme là-bas en tenailles dans les rouages de la morale et du politique, elles vont perdre leur légitime raison d'être, ce qui conduira Oxana a quitté le mouvement.

Elle est désormais seule, à la recherche de l'amour sous toutes ses formes, voulant toujours servir la beauté et impuissante à combattre l'injustice. Elle partage un moment l'existence d'Apolonia Sokol, une "peintre" opportuniste qui se dit d'avant-garde. Mais cette compagne mante religieuse la laisse en pan pour partir conquérir le marché américain. Là encore, cette période fort bien décrite par Charlène Favier est aussi documentée par un film de Lea Glob, Apolonia, Apolonia (2022) dans lequel on en saura plus sur la relation toxique Apolonia-Oksana.

Tout cela bien sûr mène à l'irrémédiable, donne à la lumineuse Oksana Chatchko un destin qui s'étoffe post-mortem... Sept ans après sa mort, on compte déjà quatre films où elle apparaît dans toute son émouvante fragilité. Oxana de Charlène Favier ne joue pas sur les cordes les plus sensibles, mais trace un vrai beau portrait de la jeune disparue. Nul doute qu'elle va donner envie à des écrivains, des dramaturges, d'autres cinéastes, d'autres documentaristes, d'étudier l'existence mouvementée de cette petite brune, forte de caractère et de volonté, toute frêle en vrai. Ses œuvres seront exposées, d'autres témoignages montreront d'elles d'autres facettes.

L'ayant brièvement rencontrée, on pourra témoigner du charisme qu'elle dégageait dans la vie réelle sans cacher ses terribles et touchantes fêlures. Sans exagérer, aidé par le portrait que laisse d'elle Charlène Favier, on l'imagine bien devenant une des premières légendes du nouveau siècle.

Longue route à toi, chère Oksana, vers le mythe et la postérité.