Réalisé par Nadia Riyadh et Ayman El Amir. Documentaire. 1h42. Sortie le 5 mars 2025. Avec Magda Masoud, Haidi Sameh, Monika Youssef, Marina Samir, Myriam Nassar, Lyda Haroun, Youstina Samir.
Enfin un documentaire issu d'un pays arabe, où des femmes, ou plutôt ici des jeunes filles post-adolescentes, ont leur mot à dire et ne s'en privent pas, même si le patriarcat n'a pas dit son dernier mot...
Pendant plusieurs années, le couple de cinéastes Nadia Riyadh et Ayman El Amir a filmé un groupe de jeunes filles coptes issu d'un même village, El Barsha, au Sud de l'Egypte. C'est leur activité principale qui a attiré les deux réalisateurs : elles ont formé un groupe de théâtre de rue, intitulé "Panorama Barsha". Au départ, elles étaient peut-être une dizaine, au moment où elles apparaissent sur l'écran, elles sont plutôt cinq ou six et parmi elles, on va suivre Magda, Haidi et Monika.
Sand doute, leur appartenance à la minorité copte, dotée d'une forte tradition théâtrale, explique qu'elles aient pu se lancer dans une telle aventure et aient pu jouer leurs créations, où elles n'hésitent pas à parler de leurs problèmes du quotidien, au public de leur village. Elles ont aussi de vraies personnalités qui expliquent qu'elles aient pu surmonter pleins d'obstacle, car les coptes ne sont pas des athées mais tiennent à leur singularité religieuse et sont à la fois très croyants et fortement pratiquants.
Le travail de Nadia Ryadh et d'Ayman El Amir est d'une grande qualité documentaires. Si on l'ignore, on peut croire que certaines scènes sont préparées ou suggérées. Il n'en est rien : les filles agissent comme bon leur semble. Magda est le personnage central, celle qui rêve de théâtre et de mise en scène et pour qui le théâtre qu'elle incarne avec ses copines est déjà plus qu'un passe-temps et elle se verrait bien aller étudier le théâtre au Caire.
Nadia et Ayman sont très à l'aise dans le village où ils ont installé leur petite équipe et ils filment assez facilement la communauté copte dans toute sa diversité. De l'autre côté, les habitants se laissent prendre au jeu et, par exemple, le père d'Haidi s'interroge devant la caméra quand il ne comprend pas pourquoi sa fille ne veut plus participer aux répétitions théâtrales. Il apparaît le plus tolérant face à sa fille qui, elle, se soumet aux exigences rétrogrades de son fiancé...
Quelque part, on se sent loin de l'Egypte du maréchal Fattah al Sissi, dans une province pour l'heure à l'écart de son islam radical et qui semble avoir gardé une certaine autonomie. Souvent en jeans et tee-shirts, les filles pourraient être des Occidentales, si l'on excepte le poids des rites religieux comme ceux qui entourent le mariage de l'une des filles. Certainement que leur habitude d'extérioriser leurs problèmes par le théâtre les conduit à être à l'aise dans leurs vies et en plus leur a permis de devenir un groupe d'amies très soudé.
Peu à peu, grâce à la bonne ambiance que Nadia Ryadh et Aymar El Amir ont créé avec elles, le spectateur devient lui aussi un familier de ces "Filles du Nil".
On souhaite, voire on espère, que cette belle période de leur vie où elles s'impliquaient dans l'art théâtral avec insouciance et sans autre considération que de transmettre leur plaisir de jouer, ne sera pas pour elles qu'une parenthèse enchantée.