Comédie dramatique de Marc Fayet, mise en scène de Delphine Piard, avec Ariane Mourier, Olivier Claverie, Bruno Paviot et Maud Le Guénédal. Mata Hari a toujours inspiré le cinéma et le théâtre. Personne n'a oublié les compositions de l'espionne hollandaise par Greta Garbo et Jeanne Moreau. C'est au tour de Marc Fayet de donner sa version de celle qui fut fusillée en 1917, victime d'un état-major français prompt à la déclarer coupable.
Bien entendu, Marc Fayet ne refait pas le procès bâclé de cette femme victime surtout de sa "légèreté".
Car, aujourd'hui, et la pièce le fait vite comprendre, les habits d'espionne sont bien trop larges pour celle qui était peut-être une grande séductrice, mais certainement pas quelqu'un qui pouvait manipuler une "vieille baderne" au point de lui faire révéler les mouvements improbables des centaines de milliers de jeunes gens embourbés dans les tranchées.
Dans "Mata Hari ou la justice des hommes", on suivra parallèlement la vie d'une femme libre, trop libre peut-être, et la fin de cette femme pendant son interrogatoire alors qu'elle a été jetée dans un cul-de-basse fosse. Dans la mise en scène d'une grande fluidité de Delphine Piard,
Mata Hari, enfermée dans son grand manteau, peut parler à un bout de la scène au capitaine qui l'interroge, joué à la perfection militaire par Olivier Claverie, ôter son manteau pour faire quelques pas de danse pseudo-orientale au centre de la scène et se retrouver à la terrasse d'un café ou en compagnie d'un officier à l'autre bout du plateau.
Ariane Mourier est pratiquement en permanence sur scène et incarne sous toutes ses facettes cette femme qui clamait sa liberté mais était finalement entravée dans les filets des hommes qui l'entretenaient ou la désiraient. Sa malchance aura été de vivre sa vie de danseuse mondaine amoureuse de la vie à une époque où les militaires faisaient la loi, une loi martiale qu'ils lui ont appliquée comme ils l'appliquaient à leurs soldats.
La pièce de Marc Payet ne souffre en rien des moments forcément imposés par le sujet. On aura donc des interrogatoires où l'on à parfois l'impression d'être dans une dramatique radio. Mais Ariane Mourier et son vis-à-vis Olivier Claverie savent rendre vivants leurs discussions obligées et partir ensuite loin de ses figures imposées.
Ayant reçu tour à tour, les Molière de la révélation et du second rôle, Ariane Mourier tient ici un rôle qui lui permettra peut-être de voir encore plus haut. Car elle rend intense toute la souffrance de la femme emprisonnée, de l'amoureuse abandonnée par ses amants. On préjuge que la comédienne a le talent nécessaire pour faire de Mata Hari un être plus torturé, plus complexe, qu'elle ne l'était en réalité.
Tant mieux pour la pauvre danseuse fusillée si cette belle interprétation lui permet une postérité meilleure que celle qu'elle a eu jusqu'à maintenant. "Mata Hari ou La Justice des hommes" est un vrai spectacle théâtral, délicat dans sa facture et dans son écriture. On n'oubliera pas les deux autres comédiens, Bruno Paviot et Maud Le Guénédal, qui savent se démultiplier à l'envi.
On soulignera la belle scénographie de Bastien Forestier, les lumières précises de Denis Koransky ainsi que la musique de Raphaël Sanchez< et les costumes de Bérengère Roland. On est loin, et c'est tant mieux, d'un simple "biopic" en mode théâtral. On est tout près d'une grande réussite. |