Karine Mauran a suivi des cours de théâtre avec Yves Lemoigne, Mario Gonzalez et Francis Huster. Elle entre à l'ENSATT où elle aura Aurélien Recoing, Jacques Kraemer et Jean-Pierre Bouvier comme professeurs. Elle a joué Molière (Elvire), Musset (Un caprice), Strindberg (Mademoiselle Julie), Racine (Esther), Feydeau, Gabriel Arout...et de nombreux rôles pour la télévision.
Après Elvire et Mademoiselle Julie, elle retrouve, avec "Mastication", Pierre-Marie Carlier pour la troisième fois.
J'ai été étonné, relativement à la position du spectateur qui se trouve confronté à des situations très personnelles, du caractère très fort du texte qui fait qu'on ne ressort pas indemne. L'actrice que vous êtes, Karine, vit comment ce spectacle ?
Karine Mauran : Il y a un apaisement, Kermann parle de la mort comme d'un apaisement. Je ressens cela dans presque tous les personnages de la pièce. Bien sûr il y a des souffrances mais on y trouve aussi un certain repos. Je ressens la pièce comme cela, il y a un certain recul, chaque scène est très brève, c'est juste un morceau d'histoire et on n'est pas totalement touché par chaque personnage, ce qui nous permet aussi de passer d'un personnage à l'autre, sinon ce serait trop dur.
Y a t-il une mise en relation avec une urgence qui semble porter la pièce, une urgence à résoudre tout ce qui n'a pas été résolu, qui éviterait de ressasser de façon post-mortem la somme de nos souvenirs ?
Karine Mauran : Il y a un devoir de mémoire. Les gens qui ont eu un contact avec l'au-delà témoigne de ce ressassement. Peut-être que les morts ont besoin d'être entendus, de raconter un morceau de leur histoire pour ne pas rester dans l'oubli et je dirais qu'à cet égard il y a un devoir de mémoire de notre part, non seulement historiquement mais aussi de façon plus personnelle: les histoires de certaines personnes, leurs souffrances qu'il ne faut pas oublier. Pas nécessairement de façon dramatique mais en disant : voilà il s'est passé cela. Peut-être que ces morts ont envie de dire simplement: n'oubliez pas.
Avec "Mastication", Patrick Kermann semble dire que la vie n'a pas servi à grand chose et la mort encore moins. L'écho de cet univers post-mortem est que la mort ne résout rien. Il nous met face à une énigme. Est-ce l'intention du metteur en scène Pierre-Marie Carlier de porter cela ?
Karine Mauran : Ce sont des questions existentielles souvent douloureuses, difficiles mais encore une fois je ne sais pas si Pierre-Marie a voulu faire passer quelque chose de particulier mais il a respecté l'idée de l'auteur qui nous dit: ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer, en définitive ce n'est pas si grave que cela. De toute façon, ce qui est important c'est l'incidence du spectacle sur nos vies: que va t-il se passer après ? Voilà la vraie question.