Si Timothé Le Boucher a su prouver son talent d’auteur et d’illustrateur dès ses premiers ouvrages, son dernier roman graphique, 47 Cordes (Glénat, 2021) ne fait pas exception.
Tout en conservant le trait épuré et la palette de couleurs pastel qui font l’identité visuelle reconnaissable entre toutes de l’auteur, il nous embarque dans un récit complexe et haletant.
Ambroise est un jeune harpiste qui s’installe dans une nouvelle ville pour intégrer l’orchestre dans lequel travaille sa sœur. Alors qu’il repousse les avances d’une jeune femme rencontrée par hasard, il ne se doute en aucun cas qu’il s’agit d’une métamorphe qui, devant son refus, développe une obsession pour lui. Usant de ses pouvoirs, elle fera tout pour s’immiscer dans chacun des aspects de la vie du jeune homme et n’aura de cesse tant qu’il ne sera pas sien.
Alors que je craignais que la particularité d’un personnage central pouvant changer de forme à loisir ne fasse trop écho à la thématique de la personnalité multiple déjà explorée dans ses ouvrages, Timothé Le Boucher sait surprendre et nous sert une galerie de personnages fascinants et bien écrits tout au long du récit, au centre duquel on retrouve cette métamorphe tentaculaire au charisme hypnotique qui n’est pas sans rappeler le mythe gothique du vampire.
Un récit complexe aux multiples intrigues à la fois bien mené et surprenant, le tout soutenu par un trait dont l’apparente froideur sert à merveille la tension croissante à mesure que l’on progresse dans la lecture.
Cependant, il faudra patienter pour connaître le fin mot de cette histoire puisque 47 Cordes est le premier récit de Timothé Le Boucher en deux volumes et la fin de cette première partie rend l’attente de la seconde presque insoutenable tant il nous tient en haleine.
L’auteur a l’art de maîtriser la fin de ses ouvrages comme il travaillerait une sortie de scène, comme un dernier coup d’éclat à la dernière seconde et si c’est à la fois ce qui m’a bouleversée dans Ces Jours qui disparaissent (Glénat, 2017) et m’a laissée pantoise dans Le Patient (Glénat, 2019), c’est ce qu’il me tarde de découvrir dans la seconde partie de 47 Cordes qui est à nouveau une expérience de lecture singulière.
Timothé Le Boucher est un auteur parfaitement ancré dans sa génération et surtout, qui a réussi à créer un univers aussi glaçant qu’hypnotique, maîtrisant à la fois son récit et son lecteur tout en bousculant sans cesse les codes, en témoigne notamment le personnage fascinant de la cantatrice dans ce nouveau récit. Croyez-moi, il s’agit là d’un auteur et illustrateur à suivre de très près. |