Comédie dramatique de John Patrick Shanley, mise en scène de Sylvy Ferrus, avec Estelle Georget et Vincent Simon. En 2015, Sylvy Ferrus avait réussi une formidable version d'"Orphans", une pièce de Lyne Kessler, devenue au cinéma "Les enfants de l'impasse".
Cette fois encore, en adaptant "Danny and the Deep Blue Sea" de John Patrick Shanley, elle s'est attaqué à un dramaturge en lien avec le cinéma, puisqu'il a réalisé deux longs métrages dont un, "Doute", avec Meryl Streep et Philip Seymour Hoffman, est tiré de sa pièce éponyme.
C'est avec "Danny and the Deep Blue Sea", en 1983, que John Patrick Shanley commence sa brillante carrière d'auteur. Apparemment rien de très nouveau, puisque qu'un garçon paumé va, dans un bar, faire la connaissance d'une fille aussi paumé que lui.
De leur néant commun naîtra une histoire d'amour belle et tenace comme tout ce qui a décidé de venir au monde là où on ne l'espérait pas. Dans le rôle de Roberta, Estelle Georget est une sauvageonne qui se gave de bretzels. Déjà mère d'un fils de 13 ans à 32 ans, elle n'envisage même plus que l'amour puisse frapper à sa table de bar.
Surtout s'il a la mauvaise humeur brutale de Dany l'embrouilleur, toujours prêt à frapper le premier pour un mot qu'il prend de travers ou pour un avis qu'il ne partage pas. Vincent Simon, qu'on avait pu apprécier dans "Orphans", est tout à fait à son aise dans ce rôle d'écorché vif qui cache un peu d'or poétique dans la noirceur de son dire.
Ce qui est fort chez John Patrick Shanley, c'est que la route vers l'espérance n'est pas gagnée d'avance, que chaque pas qui y mène est contredit par un mot ou un geste qui l'en éloigne. Sylvy Ferrus laisse le torrent imprécateur s'écouler avant que ne surgisse la première trace d'apprivoisement entre les deux mal-aimés.
Estelle Georget transforme sa gouaille en charme, Vincent Simon sa violence en force aimante. Mais le chemin est long du bar au lit et du lit à l'amour. Parviendront-ils à briser le signe indien qui a fait d'eux des buveurs de bière et des baffreurs de bretzels ?
Grâce à deux excellents comédiens placés dans les meilleures conditions par leur metteuse en scène, la belle pièce de John Patrick Shanley prend toute sa puissance émotionnelle.
Sylvy Ferus devrait connaître avec "Danny and the Deep Blue Sea" un succès au moins égal à celui qu'elle avait obtenu avec "Orphans". |