Pièces courtes de Georges Courteline mise en scène par Bertrand Mounier, avec Isabelle de Botton, Salomé Villiers, Etienne Launay, Pierre Hélie, Philippe Perrussel et François Nambot.
Fondée par Salomé Villiers, François Nambot et Bertrand Mounier, la Compagnie La Boîte aux Lettres enchaîne les réussites placées sous le signe de l'éclectisme.
Après "Yerma", "Le Jeu de l'Amour et du Hasard" et "Le Monte-Plats", elle inscrit à son actif "L'Affaire Courteline" qui se révèle un spectacle extrêmement divertissant et ce, à double titre.
En premier lieu, en puisant dans le foisonnant thésaurus de pièces en un acte de Georges Courteline, auteur prolifique de la Belle Epoque qui pratiquait la satire sociale, celle de la petite bourgeoisie aussi médiocre que bête dont il épingle les travers - notamment la médiocrité et la bêtise - dans le style de l'épopée héroï-comique avec une facétieuse hybridation de drôlerie et de causticité.
Ce qui permet au spectateur d'aujourd'hui de rire à bon compte alors même que nombre de situations s'avèrent intemporelles.
En second lieu, en raison des options de mise en scène de Bertrand Mounier qui ordonne sept opus dans le registre d'une théâtralité assumée, d'une part, selon la forme du cabaret, avec des inserts chantés et, pendant le changement à vue des quelques éléments de décor, un enchaînement assuré par des citations, dont de savoureux aphorismes courtelinesques.
Et d'autre part, avec le choix d'une forte identité visuelle en rouge et noir avec la présence d'une troupe vêtue de noir contemporain ce qui permet de s'affranchir du traditionnel fatras anecdotique en y substituant des accessoires vestimentaires rouges donc qui suffisent à signifier le personnage.
Le ton, celui du divertissement, est donné dès la scène d'ouverture dans laquelle les comédiens, positionnés en groupe de chorale, interprètent le refrain enjoué de la célèbre chanson "Amusez-vous !" des années 1930.
Suivent des saynètes qui sont essentiellement des histoires de couple au sens large du terme. Bien évidemment des couples légitimes dont la scène de ménage constitue un des rituels du pandémonium conjugal entre un mari, veule et couard aux airs de matamore (Pierre Hélie) et une épouse délibérément coquette et provocatrice (Salomé Villiers) dans "La peur des coups" que le temps n'apaise pas ("Vieux ménage" composé par Philippe Perrussel et Isabelle de Botton) comme l'incontournable adultère en mode "tuyau-de-poêle" ("L'Affaire Champignon").
Mais également un couple mère directive (Isabelle de Botton) et fils résigné (François Nambot) dans "La présentation", des duos féminins avec le "pia-pia" des femmes frivoles de "Gros chagrins") et la mesquinerie de la "patronne" face à la duplicité ancillaire dans "Le Madère" campées par Salomé Villiers et Isabelle de Botton ou masculins avec la confrontation entre un supérieur hiérarchique autoritaire (Philippe Perrussel) mais abasourdi devant l'aplomb d'un tire-au-flanc (composition grandiose en héros maudit de la bureaucratie par Etienne Launay) dans "Monsieur Badin".
Cette délicieuse comédie humaine est dispensée pour le plaisir de rire par une brochette de comédiens épatants officiant en multi-rôles dans une efficace choralité qui méritent tous une mention spéciale. Alors "amusez-vous, comme des fous, la vie est si courte, après tout..."