Monologue dramatique de Hugo Horiot, mise en scène de Vincent Poirier, avec Hugo Horiot et Clémence Colin.
Au Studio Hébertot, le lieu de création dont on parle beaucoup depuis sa refondation récente, débarque un spectacle hors-normes et le mot "spectacle" prend presque ici une connotation obscène sans doute à l’image d’une représentation véridique de l’Homme.
Hugo Horiot est un auteur qui se joue. Grand péril, tentation d’abîme. Mais la vengeance mérite ce sacrifice. Il n’y a pas le choix.
Dit autiste, Hugo naît Julien, sous son propre joug. La Société, qui adore les prisons, et les médecins, prêtres sans athées, qui la représentent si bien, rédigent rapidement la fiche de destinée de ce petit garçon violent : espoir nul. La mère s’obstine. Le père - où est le père ? - c’est peut-être le double créé, la loi auto-proclamée.
Le monde d’Hugo est trop vaste pour une petite tête. Alors, il y a l’espoir dans les autres, c’est-à-dire d’autres ennemis. D’autres systèmes d’horlogerie, à tourner à la clef. Il les hait et les découvre démunis. Désormais, il peut vivre en société, séduire, écrire, vivre, commettre les excès légaux. Et même, un jour, inviter son enfer sur une scène de théâtre.
Impudique, souvent insoutenable, verbe guttural porté par un faune adulte jailli de l’enfant, "L’Empereur c'est moi !" déstabilise. La présence d’une traductrice en langage des signes - à l’usage des sourds - irrite d’abord, concession très lourdement politiquement correcte, puis enchante, car le charme de Clémence Colin s’exprime par un vrai jeu de "passage" et l’on apprécie la présence de cette réductrice de violence, qui semble poser des compresses sur les plaies.
Ce "tour de champ" - grand panoramique de l’intérieur d’un crâne - mis en scène avec audace par Vincent Poirier, touche un public ému et sonné. Saluant, l’enfant sourit, sous la moustache blonde d’Hugo Horiot. Il nous tient en respect.