Depuis notre enfance, dessins animés et films de science-fiction aidant, nos subconscients se sont forgé une image très concrète de ce qu'aurait pu être le futur. Voiture volante, robotique et autres fantasmes post-humains s'étaient peu à peu ménagés une place de roi dans nos attentes, et reconnaissons-le, nous nourrissions tous des espoirs quant à la forme que prendrait alors notre société.

Alors quand le duo YACHT, musiciens, artistes, écrivains et philosophes à leurs heures perdues se retrouvent à pondérer sur la réalité du future que nous imaginions et le résultat est alarmant : I Thought The Future Would Be Cooler.

Ce nouvel opus s'impose comme l'un des projets les plus travaillés, mais également les plus alambiqués que les cerveaux de Claire L. Evans et Jonas Berthold aient pu jamais enfanter. Pour commencer, l'œuvre se construit autour d'une notion anachronique : comment juger et tirer des leçons du futur, une époque qui par essence n'a pas encore était vécu ? Pourtant, c'est bien le processus que suit l'album, en usant tout à la fois une sérieuse dose de second degré et l'idée même que le futur parfait n'aura jamais lieu. Et comme souvent,  les dires d'Evans nous conduisent lentement mais sûrement vers une vision naïve et dystopique du monde.

Aux oreilles l'opus met encore une fois l'accent sur toute une collection de sonorités électroniques et l'on reconnaîtra assez souvent le gimmick percussif ("War On Women") qui permet au duo de glisser facilement vers des territoires plus troubles et plus rock.

Futur oblige, la machine est des plus présentes, que ce soit dans les sons ou dans l’énonciation précise d'Evans. Ainsi, sur "Hologram" (titre sur lequel plane l’ombre de Goldfrapp circa Black Cherry) et "The Entertainment", YACHT dénonce méticuleusement et non sans hypocrisie la mainmise des technologies sur nos sociétés et nos habitudes. Le pont est même jeté d'une piste à une autre, quand Evans dénonce la vacuité de nos relations ("Our eyes can never meet because your views are so discreet") réduites à des pixels et des "vues", avant de traiter frontalement les aspects nocifs de nos méthodes de consommation ("Ringtone").

Si les propos ne sont pas d'une originalité démentielle en 2015, ITTFWC présente tout de même plusieurs niveaux de lecture, et l'approche idéologique et mélodique de l'opus tient tout autant du cartoon que de la nouvelle d'anticipation. Une ambivalence s'accordant parfaitement avec la personnalité du duo, capable de provoquer presque sans dissociation malaise et euphorie.