Comédie de Claude Confortès, Georges Wolinski, et Évariste, mise en scène de Claude Confortès, avec Georges Beller, Philippe Ogouz, Séverine Ferrer, Hadrien Berthaut, Guillaume Ede et Fabien Martin.

Mai 68 : le dessinateur Georges Wolinski, humoriste satirique et libertaire qui taillait dans le vif du sujet, en a épinglé, à chaud, les fameux "événements" depuis devenus mythiques, voire préhistoriques pour les jeunes générations nonobstant une appétence pour le revival seventies.

Les protagonistes de ses phylactères ont acquis la troisième dimension en devenant les personnages d'une pièce fameuse dont le titre, "Je ne veux pas mourir idiot", est devenu une locution verbale entrée dans la langue courante qui constitue une inénarrable trilogie avec deux autres opus subséquents, "Je ne pense qu'à ça" et "Le Roi des cons".

Conçue par Georges Wolinski et le comédien et metteur en scène Claude Confortés, et ponctuées de chansons d'Evariste, chanteur à la Antoine qui eut son quart d'heure warholien à la fin des années 1960, à partir des dessins reboutiqués en mini-fresque dans une veine "humoristico-révolutionnaire", la partition augure de la forme libre et, selon la terminologie actuelle, décomplexée qui augurait du genre du café-théâtre qui allait faire florès notamment avec les "activistes" du Café de la Gare.

Près d'un demi siècle plus tard, la pièce revient à l'affiche à l'initiative de Maryse Wolinski, l'épouse du dessinateur abattu par des fous de Dieu le 7 janvier 2015 dans les locaux de la rédaction du magazine Charlie-Hebdo.

Sur scène, pour porter les figures archétypales au trait caricatural appuyé chères au bédéiste, deux vétérans, comédiens présents à la création, deux enfants du baby-boom toujours bon pied-bon oeil, Philippe Ogouz, le petit, vu récemment dans "Radio Trénet", et Georges Beller, le grand portant toujours beau, passé maître au boulevard dans l'emploi de bellâtre comique, campent désormais la vieille garde réactionnaire, patrons et bourgeois partisans de l'ordre (police-CRS-SS) interprété par Guillaume Ede.

En face, un autre trio mais un trio contestataire qui veut "faire la révolution" composé des forces vives, le prolétariat, la jeunesse étudiante représentée par une jeune fille délurée et féministe et le chanteur "hippie" respectivement incarnés par Hadrien Berthaut, Sévérine Ferrer et Fabien Martin.

Introduit par des documents d'archives sonores des événements de Mai 68 suivis des voeux du Président de la République de l'époque, le Général de Gaulle, qui, en l'occurrence ne fut pas grand clerc en prédisant à ses "chers compatriotes" une année sereine, et dans la mise en scène de Claude Confortés avec l'oeil bienveillant de Anne Bourgeois, le spectacle a conservé cette grâce particulière du café-théâtre des origines.

La troupe porte allègrement la charge insolente, les sentences corrosives et les aphorismes jubilatoires de Wolinski qui abordent des thémes toujours d'actualité.

Tels l'intemporel conflit de générations ("l'avenir est à vous mais laissez le passé tranquille et ne touchez pas au présent"), les "métèques" qui se suivent même s'ils ne se ressemblent pas, l'exploitation du prolétariat en un temps où la "force du travail" est qualifiée de "coût du travail", le conservatisme musclé des classes dirigeantes ainsi qu'une fine

Et ça décape.