Pour la période estivale, le Musée des Beaux-Arts de Nantes propose avec "Charles de la Fosse, les amours des dieux" une rencontre avec un peintre français du 17ème siècle, excellent coloriste au talent novateur quelque peu tombé dans l’oubli auquel le Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon a consacré une rétrospective en début d'année.

Réalisée en partenariat avec ce dernier, l’exposition nantaise a été conçue par Adeline Collange-Perugi, conservatrice, chargé de l'art ancien au Musée des Beaux-Arts de Nantes, Béatrice Sarrazin, conservateur général du Patrimoine, chargé des peintures du 17ème siècle au Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, et Clémentine Gustin-Gomez, docteur en histoire de l'art, sous le commissariat général de Blandine Chavanne, directrice du Musée des Beaux-Arts de Nantes.

Les commissaires ont choisi de privilégier l’œuvre mythologique de Charles de la Fosse. Le visiteur est invité à découvrir, au sein de la Chapelle de l'Oratoire, une vingtaine de peintures et une quinzaine de dessins issus de prestigieuses collections publiques et privées.

Un artiste au service de Louis XIV, précurseur de la mythologie galante

Né en 1636, Charles de La Fosse est formé dans l’atelier de Charles le Brun, l’artiste le plus célèbre de son temps, peintre officiel de Louis XIV. Il poursuit sa formation en Italie, où il part en 1659. Son séjour à Venise est décisif pour sa carrière puisqu’il s’éprend des couleurs des grands peintres vénitiens du 16ème siècle tels Le Titien et Véronèse. De retour à Paris, il découvre les Flamands parmi lesquels Rubens et Van Dyck. Ces deux influences marqueront toute son œuvre.

Bien introduit à la Cour et membre de l'Académie royale de peinture et de sculpture, Charles de la Fosse bénéficie des grandes commandes royales qui lui permettent de s'illustrer dans la peinture décorative monumentale célébrant les hauts faits héroïques et mythologiques.

Dans ce registre est présenté "Le Lever du soleil", un tableau de petite dimension réalisé vers 1673. Longtemps considéré comme une esquisse préparatoire du plafond du salon d’Apollon peint pour le Grand Appartement du Roi au Château de Versailles, il est aujourd’hui admis qu’il s’agissait d’une ébauche pour un décor privé, chez un particulier.

Allégorie dédiée au roi qui a choisi l’astre solaire pour emblème, "Le Lever du soleil" met en scène Apollon sur son char, rayonnant, entouré des quatre Saisons. La composition est audacieuse et la science du coloris de l’artiste fait merveille. La liberté dans le décor, l’insouciance et l’élégance, qui éclateront au 18ème siècle, sont déjà présentes.

Quinze ans plus tard, "Le Repos de Diane", "Apollon et Thétys", et "Clytie changée en tournesol", commandes du roi pour le Cabinet du Couchant, au Trianon, sur le thème du crépuscule, marquent une évolution esthétique.

Les hauts faits des dieux sont délaissés au profit de leurs histoires amoureuses. Les "Métamorphoses" d’Ovide vont désormais constituer une source iconographique récurrente.

"Clytie changée en tournesol" est une des œuvres les plus caractéristiques des talents de coloriste de Charles de la Fosse. La composition est originale : Clytie, amoureuse délaissée par Apollon représenté au loin, pleure son chagrin en tournant le dos au spectateur. Nimbé d'une atmosphère dorée propre à Venise, le tableau est un manifeste à la gloire de grands peintres tel Véronèse.

"Vénus demandant à Vulcain des armes pour Enée" est également inspiré du long poème d’Ovide. Le tableau séduit par ses chairs dorées et l'opposition en diagonale de Vénus et du monde souterrain de Vulcain.

Les aventures amoureuses des dieux constituent des sujets de prédilection tant pour la peinture que pour l'opéra. Ainsi le tableau "Acis et Galatée" trouve son pendant musical dans la pastorale éponyme composée par Lully. A noter que le musée propose des tablettes afin d’écouter une sélection d’extraits d’opéras à écouter devant les œuvres.

Charles de la Fosse était également un dessinateur talentueux, comme le révèlent deux panneaux dédiés aux études et esquisses exécutées selon la technique dite "des trois crayons" héritée de Rubens : pierre noire, sanguine et craie blanche.

A travers l’exposition, Charles de la Fosse, qui mourra à 80 ans après une carrière bien remplie, se révèle un extraordinaire "agent de modernité" dont l’œuvre annonce l’avènement de la mythologie galante et ouvre la voie à des artistes tels Watteau, Boucher et Fragonard.